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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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était le sang et le
tonnerre, il portait sur son torse la croix du Golgotha, et son génie militaire
menait maintenant la danse ! Oui, il faisait sombre sur la plaine, on eût
dit que la nuit était tombée ; et ce fut une boucherie sans nom.
    Des barons occitans s’étaient jetés en avant
pour protéger Pierre et faire vainement rempart de leurs corps ; ils
étaient maintenant la face dans les flaques, leur sang se mélangeant à l’eau. Michel
de Lusian était de ceux-là. Un peu plus loin, un homme du nom d’Uc de Mataplana,
protecteur des troubadours et troubadour lui-même, était traîné hors des
combats après avoir reçu un vilain coup. Escartille sentait peu à peu ses
forces lui échapper. Jusque-là, il était passé miraculeusement au travers de la
bataille ; tout lui criait à présent de se replier avec les siens. Il
aperçut Don Antonio de Bigorre, à quelques centaines de pas de l’endroit où il
se trouvait. Le chevalier aragonais se battait encore comme un lion, et Scala
se tenait dans son dos, comme son ombre. Mais Don Antonio était en mauvaise
posture.
    Un homme de Montfort venait par le côté droit,
sans qu’aucun des deux chevaliers espagnols ait pu le voir. Escartille était
trop loin pour donner de l’épée ; son cri fut couvert par les martèlements
qui se poursuivaient alentour. Il porta instinctivement la main à son flanc. Il
y rencontra la fronde qui appartenait autrefois à Charles de Montesquiou, ce
brave soldat de Béziers qu’il avait vu mourir sous ses yeux.
    Il balaya du regard la mêlée autour de lui.
    — David contre Goliath, murmura-t-il.
    Le Français leva son fléau au-dessus de Don
Antonio, qui vit avec retard cette ombre s’abattre sur lui.
    — Père ! cria Louve, tremblante.
    Ne pouvant réprimer le mouvement de son cœur, Loba fit quelques pas hors de la tente ; Léonie la retint par le bras.
    — Non, Madame ! Restez ici ! hurla-t-elle.
    Escartille fit siffler sa fronde.
    Elle tournoya au-dessus de sa tête. La pierre
fendit l’espace et vint ricocher pleine tête contre le heaume du croisé ; cela
ne suffit pas à l’arrêter, mais le fit vaciller assez pour que Don Antonio
propulse son adversaire en arrière et transperce son haubert. Il chercha des
yeux celui à qui il devait le salut et vit le troubadour, en contrebas.
    Il lui fit un signe de tête.
    Mais le destin avait choisi son camp ce
jour-là. À peine Escartille avait-il reçu l’hommage silencieux de Don Antonio
qu’il fut à son tour blessé à l’avant-bras ; il sentit une douleur
fulgurante exploser dans sa tête tandis que la fronde s’échappait de ses mains.
Il tomba à la renverse, le nez dans la boue. Un autre Occitan se débarrassa de
l’adversaire qui venait de le toucher. Vautré sur le sol, incapable de se
relever, Escartille assista à un nouveau drame.
    Le chevalier de Scala s’était éloigné de Don
Antonio.
    Celui-ci se retrouva aux prises avec un, deux,
bientôt trois chevaliers de l’ost.
    — Non, murmura Louve.
    Cette fois… pensa
le troubadour.
    Don Antonio de Bigorre, l’un des champions de
Las Navas de Tolosa, se défendit quelques secondes encore.
    Mais une hache vint subitement lui faucher une
jambe. Il fit un pas en arrière, sur l’autre, agitant les bras comme un pantin,
le visage déformé par la douleur – ce visage qu’Escartille avait connu si froid,
si impassible. Dans la bataille, Don Antonio était redevenu un homme ; et
c’était en chevalier qu’il mourait. Le troubadour essaya de prendre appui sur
ses mains ; il était au bord de l’évanouissement. Ses coudes ployèrent
sous lui. Il retomba face contre terre, la boue achevant de couronner son front
et ses sourcils de taches brunes.
    On levait encore les armes au-dessus de l’Aragonais.
    Ce fut d’un coup de poignard au cœur que l’on
acheva Don Antonio de Bigorre.
    Il rendit son dernier souffle en regardant le
ciel.
    Tout cela tournait au cauchemar. Les Occitans
et les Espagnols battaient en retraite dans un parfait chaos, certains
abandonnant leurs armes. La cavalerie était en déroute ; les milices
toulousaines qui avaient osé s’aventurer jusqu’au château de Muret voyaient
soudain fondre sur elles les chevaliers français, qui les taillaient en pièces.
    — Oh, mon Dieu… murmura Escartille.
    Là-bas, tout là-bas, on les refoulait vers les
rives de la Garonne. L’infanterie reculait en masse – c’étaient quinze, vingt
mille hommes, une armée

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