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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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avait été broyé d’un coup sous le poids de
sa monture. Son adversaire, pris en tenaille, réunissant ses dernières forces, avait
voulu assener sur Escartille un dernier coup. Les muscles tendus, le troubadour
avait agi plus tôt. Son épée s’était enfoncée à l’endroit même de la plaie. Le
soldat avait hurlé, et son hurlement s’était mué en un curieux gargouillis. Une
gerbe de sang avait éclaboussé Escartille en plein visage. Il avait senti le
souffle de sa victime. Il avait croisé ses yeux. Retirant son épée de la gorge
du cadavre, il songea avec horreur, en un éclair, que le contact de la lame
avec la chair produisait un effet bien étrange. La peau et les organes
opposaient d’abord une légère résistance ; puis, dès qu’elle avait trouvé
l’issue, l’épée s’enfonçait d’un coup, pénétrant au plus profond de la gorge
ennemie.
    J’ai tué, Seigneur ! J’ai tué un homme !
    Il se retourna, l’épée ensanglantée, ne
pensant plus qu’à ces odeurs entêtantes de boue et de mort parmi lesquelles on
se roulait autour de lui. Un cheval s’était relevé et essayait de galoper, soufflant
et soufflant encore avant de tomber de nouveau.
    Une ombre se dressa soudain au-dessus d’Escartille.
    — Fils de chien ! hurla un Français.
    Il frappa avec tant de vigueur que le troubadour,
pour parer le coup, tomba à la renverse et s’étala dans une mare de boue.
    — Oh, Madame ! s’écria Léonie. Escartille
est en mauvaise posture. Il, mon amour ! il…
    — NON ! s’écria Louve, se
précipitant vers l’entrée du pavillon, sa robe déroulant son volumineux drapé
derrière elle.
    Aimery éclata en sanglots.
    Les gens de trait, alignés et agenouillés
de part et d’autre, mouchaient leurs ennemis par des jets qui couvraient
parfois cent cinquante mètres.
    Une flèche fendit l’espace et vint sauver le
troubadour in extremis. Escartille se releva en prenant appui sur son
épée. Non, à ce rythme-là, il ne tiendrait jamais. Il tourna sur lui-même. Des
gouttes de sang tombaient devant ses yeux. Le tumulte était indescriptible. Les
destriers hennissaient et se cabraient, fumants, l’écume aux lèvres. On
frappait sur les heaumes de Pavie dans des bruits retentissants ; auprès d’Escartille,
l’un des Aragonais reçut un si grand choc que sa targe fleuronnée se fendit en
deux, avant d’exploser tout à fait ; il fut écrasé d’un coup de masse. Partout,
des lances venaient se briser avec fracas contre les boucliers. On se battait
au corps à corps ; les arçons se rompaient. Tous les gens de l’ost étaient
maintenant jetés dans la tempête : Angevins, Normands et Bretons, Provençaux
ralliés aux Français, mais aussi Allemands, Bavarois, Saxons et Frisons, Longobards
et Lombards, tous fondaient sur les chevaliers du Midi. Certains tendaient des
arcs courts d’Orient, fabriqués de deux cornes de bœuf reliées par un simple
ressort métallique, qu’ils manipulaient avec aise, décochant parfois plus de
vingt flèches à la minute. Les écus craquaient, les enseignes aux couleurs
alternées s’échouaient dans la boue. Des pennons ensanglantés virevoltaient un
instant dans l’espace, comme indécis, avant de tomber à leur tour, abandonnés
par les mourants. D’autres hommes de Montfort, plus de deux mille encore, sur
leurs coursiers de Hongrie, armés d’épieux aiguisés ou de fléaux, caracolaient
en avant sitôt que les rangs se dispersaient. On se battait jusqu’à la lisière
du petit bois.
    Un cercle s’était formé autour d’Escartille, un
cercle vide. Il lui sembla assister au ralenti à tous ces événements. Il crut
un moment que le silence tombait de nouveau sur la plaine, il n’entendait plus
que son propre souffle, le sang qui tambourinait à ses tempes, et le
bourdonnement qui lui tenaillait le crâne. La pluie avait redoublé de violence.
Chacun se battait au hasard, sans ordre ni tactique.
    Puis, soudain, Escartille revint à la réalité.
    Une clameur de joie jaillissait de toutes
parts.
    L’Occitanie sentait bondir sa poitrine, car
par-dessus les combats, la croix raimondine, croix d’or, vidée, cléchée et
pommelée, emblème héraldique de la famille comtale de Toulouse, resplendissait
dans le vent ; ce n’était pas le comte lui-même, non ! C’était
Raymond VII, son fils, qui s’engouffrait au milieu des lignes ennemies
avec sa suite ! On l’assistait, on se jetait autour de lui, on se ralliait
à

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