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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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aurait sans doute
aimé que les choses finissent rapidement.
    À ses côtés, Guillaume Arnaud hocha la tête
avec une triste condescendance.
    L’un des assesseurs se caressa le menton et
plissa les yeux. Courbé en avant, le greffier avait déjà noté la réponse. Le
premier inquisiteur soupira, puis saisit l’un des registres.
    La partie était engagée.
    — Aude de Lavelanet, vous êtes
accusée d’avoir par trois fois craché sur les Saintes Écritures dans votre
asile clandestin de la forêt de Pamiers ; dix-huit témoignages attestent
que vous avez souillé ainsi les Évangiles, avant de donner sermon de la foi
cathare ; que, vous-même initiée à leurs mystères et à leurs blasphèmes, vous
avez assisté à l’ordination de ministres hérétiques, et que vous les avez
adorés comme on vous a adorée. Cinquante-quatre autres témoignages affirment
que vous avez soutenu sans hésiter d’autres parfaits dans la pratique du consolament, encouragé de pauvres âmes à signer le pacte de convenenza et affirmé à des mourants que leur foi mensongère les sauverait. Vingt et un
témoignages, en outre, disent que vous avez converti d’autres personnes des
villes de Fanjeaux, Foix, Mirepoix, Laurac, Montréal, Auterive, Saverdun, Avignonet.
    Une rumeur parcourut l’assemblée. Guillaume
Arnaud redressa la tête et jeta un regard noir en direction de la foule. Aude
corrigea un par un les chefs d’accusation qui lui étaient reprochés. Lorsque
Guillaume Arnaud l’interrogea sur sa foi, à grand renfort de citations
bibliques, Aude contre-attaqua aussi vertement. La foule, suspendue à leurs
lèvres, suivait ce tournoi avec attention, rebondissant d’une réplique à l’autre,
dans l’attente d’un vainqueur.
    Un sourire à peine visible se dessina sur le
visage d’Étienne de Saint-Thibéry. C’était le moment qu’il préférait, et il s’efforçait
de dissimuler sa jouissance. Devant cette accusée qui ne se laissait pas
démonter, et se permettait de le toiser d’un regard si fier, Étienne, piqué au
vif, se prépara à entrer en lice. À ses yeux, Aude n’était qu’une de ces
créatures naïves que la rêverie cathare avait emportée loin de la Vérité ;
elle avait entraîné d’autres femmes dans son sillage, ces Bonnes Femmes, comme
on les appelait ; elle avait professé à tout bout de champ ses maximes
mensongères. La détruire par le verbe serait une apothéose ; elle
contribuerait à saper encore le soutien apporté à la secte cathare. Et Étienne
avait un avantage. Lui, dans ce tribunal, n’avait rien à redouter.
    Il se frotta les mains lentement, dans l’attente
du moment le plus opportun pour déclencher ses propres feux.
    Guillaume Arnaud, toujours courbé en avant, commençait
à s’enliser dans le florilège de son exégèse. N’y tenant plus, Aude le cloua
sur place en quelques mots.
    —  Je suis un pauvre du Christ, j’erre
et je fuis de cité en cité. Matthieu, 10-23, comme les brebis au milieu
des loups. Matthieu, 10-16.
    — Vous réfutez le baptême dans l’eau, s’emporta
soudain Guillaume Arnaud, levant le bras en s’égosillant. Vous niez la
transsubstantiation dans l’eucharistie, vous refusez le sacrement de mariage et
celui de l’autel. Le reconnaissez-vous ?
    — Nous souffrons la persécution avec les
apôtres et les martyrs ; mais nous menons une vie très sainte et très
stricte, faite de jeûnes et d’abstinences, passant nuit et jour à prier et à
travailler, pour ne retirer de ce travail que ce qui est nécessaire à la vie. Nous
endurons tout cela car nous ne sommes pas de ce monde. Mais vous, qui aimez le
monde, vous êtes en paix avec lui, parce que vous êtes du monde.
    — Vous encouragez l’amour profane, vous
poussez les autres femmes à sortir de leur rang, à se livrer aux pires
débauches !
    — Pour nous distinguer, vous et nous, le
Christ a dit : c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Nos
fruits à nous sont les traces du Christ ! Vous ne savez pas lire ces Écritures
que vous m’accusez maintenant d’avoir souillées ; ce n’est ni mon sang, ni
ma salive que j’y ai mis, mais bien ma vie, mes larmes, mon âme tout entière !
Il n’y a qu’un seul sacrement, le salut par imposition des mains, celui qui
lave de tout péché et remplit chacun de l’Esprit Saint, car ce salut est amour,
tout amour et rien qu’amour. Nos femmes soignent les indigents, les accueillent
en leurs maisons et

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