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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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personne ne pourrait la sauver ! Alors
qu’y aurait-il au bout de tout cela, sinon le bûcher ?
    Ce jour-là, les religieux tenaient à
faire l’exemple ; il était important que chaque personne de la cité
toulousaine puisse constater de visu avec quelle adresse le tribunal
allait une fois de plus confondre les hérétiques, et leur en imposer par ses
infaillibles raisonnements théologiques. En outre, Aude avait été capturée en
flagrant délit ; les inquisiteurs n’en avaient pas grand-chose à craindre.
Le procès eut lieu dans le couvent des dominicains, non loin de la Maison de l’Inquisition,
dans un réfectoire auquel on accédait après avoir franchi le cloître et monté
les quelques marches d’un escalier de pierre. Les accusés n’ayant pas d’avocat,
Aude arriverait sans défense aucune, et ce d’autant plus qu’il s’agissait d’une
femme.
    À l’heure dite, Escartille, Aimery et Héloïse
se glissèrent dans le tribunal monastique au milieu de la multitude, qui jouait
des coudes et se serrait de tous côtés. Ce fut donc avec les bourgeois, les
sergents et paysans des alentours qu’ils se retrouvèrent coincés sur les
gradins installés pour l’occasion, face aux juges. On murmurait, on s’agitait, on
hochait la tête, le visage grave. Une lumière sépulcrale balayait l’endroit, contrastant
avec la blancheur du jour. Quelques disputes montaient, puis retombaient à la
vue des archers et des soldats disposés de part et d’autre du lieu. Ils étaient
une quarantaine, sans compter l’escorte personnelle des inquisiteurs, qui s’élevait
à plus de trente hommes disséminés sur les gradins. Une forêt de lances
encadrait la populace. En bas, un parterre d’indigents, de mendiants, d’enfants
en guenilles et de vieilles folles trépignait dans des cris. Lorsque le gros de
la foule fut entré, on voulut fermer les portes donnant sur le cloître. Certains
s’étaient hissés jusque sur les poutres, par-dessus les gradins, ou auprès des
rares ouvertures par lesquelles pénétrait la lumière.
    — Ouh, ouh, ouh ! criaient-ils, faisant
tournoyer leurs bras en narguant les autorités qui, craignant d’être débordées
à tout instant, leur envoyaient des coups d’œil mauvais.
    Il y eut de sourdes protestations de la part
des citadins qui ne pouvaient plus accéder au tribunal surchargé ; on
entendit des cris et des sifflets, certains étaient coincés en travers de l’entrée.
On décida finalement de laisser les portes ouvertes, et un nouveau cordon de
soldats, lances entrecroisées, s’installa auprès d’elles.
    La salle était profonde et humide ; au
pied des gradins, sur la droite, se trouvait le banc des accusés. Installés
côte à côte, Escartille, Héloïse et Aimery avaient peine à voir ce qui se
passait. Devant eux, deux géants ne cessaient de se lever et de se baisser pour
interpeller leurs camarades assis un peu plus loin. À leur droite, un
aubergiste corpulent, au faciès de taureau, menaçait de ratatiner Héloïse, l’obligeant
à se pencher dangereusement au-dessus d’une femme à l’opulente poitrine, tandis
qu’elle luttait pour retirer son pied coincé entre deux gradins. Elle se contorsionna
jusqu’à se dégager enfin, puis regarda en direction de l’estrade. La table
devant laquelle siégeaient les juges avait été recouverte d’un dais brodé d’or
et de noir, parsemé de croix, dont la plus grande était entremêlée avec les
armoiries de Rome et la figuration de la tiare papale ; voilà qui
rappelait à tous quelle suprême autorité commandait les débats, et sous quelle
ombre tutélaire justice serait rendue. Escartille vit un groupe de soldats
déboucher par une porte située au fond de la salle. L’un d’eux annonça l’arrivée
de la cour. Un aubergiste aviné se dressa en faisant tournoyer son index, prêt
sans doute à tonitruer quelque profonde vérité. Il prit un coup sur la tête et
fut contraint de se rasseoir.
    Les juges entrèrent dans le brouhaha général ;
à nouveau, des sifflets se firent entendre. Cette apparition fit trembler
Héloïse. Elle mit une main sur sa bouche et murmura pour elle-même : Mon
Dieu, pourquoi ? Quelle folie m’a prise de venir assister à cette horreur ?
    Son regard revint vers les juges, puis vers Escartille,
dont la main se crispait sur son bâton, qui ne l’avait pas quitté.
    — Qui est-ce ? demanda celui-ci, désignant
les inquisiteurs à sa voisine de

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