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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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maître de la montagne. Montségur n’était plus protégé
que par un étroit passage et les Français pouvaient faire monter de nouvelles
troupes aux abords de la citadelle.
    Le lendemain, l’un des soldats repéra le
chemin par lequel ils étaient passés : il surmontait des précipices
vertigineux.
    Il eut une exclamation de stupeur.
    Jamais je n’aurai pris ce chemin si, de
jour, j’avais vu le précipice où nous marchions.
    La prise de la barbacane tenait du miracle. Elle
résonna pour les assiégés comme le glas de leur défense. La population de
Montségur, désespérée, comprit que tout était perdu. Deux hérétiques, du nom de
Mathéus et de Pierre Bonnet, furent désignés pour s’enfuir avec une partie du
trésor que les assiégés avaient accumulé. Bertrand Marty et Raymond de Péreille
n’obtinrent plus que de maigres renforts, qui se comptaient sur les doigts de
la main.
    Ils avaient longtemps espéré que le comte de
Toulouse reprendrait les armes. Des messagers filaient encore par toute l’Occitanie
pour trouver des soutiens à Montségur. Mais Raymond VII était plus que
jamais isolé. Le roi d’Angleterre, allié du comte, avait été défait à
Taillebourg par le roi de France ; rien ne bougeait du côté aragonais. Raymond,
contraint et forcé, s’était résolu à demander à la France une nouvelle paix. À
présent qu’il s’était soumis, et même s’il continuait à manœuvrer dans l’ombre
pour le salut des siens, aucune résistance n’était plus possible. Longtemps, on
avait allumé des feux sur les montagnes voisines, pour continuer de communiquer
avec Montségur ; les signaux de fumée s’étaient arrêtés. Le comte avait
envisagé une opération de rescousse pour sauver Montségur avant la Noël. Mais
rien ne s’était passé. Raymond VII était parti en Italie, promettant qu’il
interviendrait à Pâques.
    Ils filaient, ils galopaient, les messagers, nuée
sans espoir !
    Bertrand Marty, Pierre-Roger et Raymond de
Péreille accueillaient leurs résultats avec consternation, saisissant des
lettres cachetées, déroulant des rotulus de parchemin qu’ils lisaient
avec gravité avant de renvoyer avec tristesse ceux qui les leur avaient
apportés.
    Et l’évidence – crépusculaire, glaciale comme
cet hiver qui n’en finissait pas – s’imposa à chacun d’eux.
    Ils étaient seuls.
    Nous allons tous mourir.
    —  Aux
remparts !
    Aimery avait été désigné pour diriger l’un des
corps de la garnison juché sur la muraille.
    Et ce fut la dernière bataille.
    Les catapultes étaient en place ; les
soldats, quatre par machine, réglaient la tension des cordes en ajustant les
roues dentées avant de bloquer les cliquets ; les verges pivotèrent autour
de leur axe dans des grincements. Les engins furent positionnés dans la
direction de Montségur, on cala la corde des arcs horizontaux dans les encoches
des cueillerons, de façon à augmenter au maximum l’énergie de propulsion. On
activa les treuils pour charger chacune des catapultes. Au signal du sénéchal
des Arcis, les crochets furent libérés, les verges heurtèrent leurs butoirs
dans des coups secs et simultanés.
    La myriade de projectiles s’envola aussitôt
dans des sifflements.
    Une pluie de boulets s’abattit dans la cour de
Montségur. On courait au milieu de cette mitraille, qui venait faire exploser
les dalles de pierre ; les femmes donnaient la main aux soldats qui les
aidaient à se précipiter vers un nouveau refuge. Les boulets fusaient de toutes
parts. Ils s’écrasaient sur les toits des baraquements de bois, crevaient le
sol pour s’y nicher dans des bruits sourds et des éclats de rocs ; ils
défonçaient les cabanes ; ils frappaient de plein fouet le donjon des
Péreille et la Maison des Hérétiques.
    — À mon signal ! dit Aimery, organisant
la riposte.
    Trente hommes s’alignèrent aussitôt contre les
remparts, prenant appui de leur coude sur la pierre, l’œil plissé, ajustant la
pointe de leur arbalète en direction de la barbacane prise par les croisés. Lorsque
Aimery baissa le bras, les carreaux sifflèrent instantanément dans l’espace ;
les croisés s’agenouillèrent ou dressèrent leur écu. Les projectiles s’abattirent
autour d’eux ; ils rebondissaient contre les boucliers dans des bruits
sourds et vibrants, venaient se ficher dans l’armature de bois de leurs
machines, ricochaient contre les murs comme une nuée d’insectes aux

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