L'Église de Satan
l’autre ?
Vous engagez-vous à prendre soin l’un de l’autre, dans la santé comme dans la
maladie, quelles que soient les infortunes de la vie ?
— Oui, répondirent-ils ensemble.
Bertrand Marty s’avança en souriant. Escartille,
lui, exultait.
— Embrassez-vous. Vous êtes mariés.
Quelque temps plus tard, Héloïse fut
saisie de nausées et de vomissements.
Il fallut se rendre à l’évidence : elle
était enceinte.
Le siège, lui aussi, devait durer neuf
mois.
Et la situation bascula.
Nous allons tous mourir.
Longtemps, les chevaliers de Montségur
espérèrent lasser leurs ennemis ; mais en octobre, à l’approche de l’hiver
tant redouté, Hugues des Arcis recruta un détachement de routiers basques, montagnards
de terrain prêts à se lancer à l’assaut de la forteresse. Au fond des gorges du
Lasset, ils se regroupèrent pour détailler les cartes du lieu. Le point le plus
bas de la défense ennemie était une tour juchée sur un rocher de la crête
orientale, munie d’une étroite plateforme située à quatre-vingts mètres en
contrebas du château lui-même. Les Basques encordés montèrent de nuit en
direction du pech, par un sentier de chèvre particulièrement abrupt ;
la garnison de la tour fut surprise et massacrée. Cette fois, l’armée française
avait pris pied aux abords de l’inviolable forteresse. En novembre, l’évêque d’Albi,
Durand, apporta de nouveaux renforts à Hugues des Arcis. Des ingénieurs habiles,
experts dans la construction de machines de guerre, se succédèrent pour
renforcer la position acquise. Des soldats se hissèrent sur la plate-forme de
la tour ; on y achemina des poutres, des madriers, des cordes, des pièces
de fer ; on s’attela à la construction de catapultes tandis qu’un défilé
de tailleurs de pierre préparait plusieurs milliers de boulets. Le sénéchal de
Carcassonne et l’évêque d’Albi étaient désormais décidés à gagner chaque jour
du terrain. Leurs machines une fois montées, il leur fut aisé de faire
bombarder la barbacane qui, avançant sur la crête, protégeait les abords de
Montségur. Si les assiégés craignaient de voir leurs chances compromises, la
situation, à ce stade, n’était pas encore désespérée : l’étroitesse des
espaces où se jouaient les combats rendait impossibles des mouvements d’envergure ;
un ingénieur de la petite ville de Capdenac, Bertrand de la Baccalaria, parvint
à forcer le blocus pour se rendre au château et faire élever, dans la barbacane
de l’est, une machine qui pouvait répondre coup pour coup au tir de pierrière
du sénéchal. Les boulets fusaient, de part et d’autre des précipices, sans
toutefois entamer les positions catholiques ou cathares.
La neige tomba.
Les ravitaillements et les renforts s’espaçaient.
Les arbres tendaient vers le ciel leurs ramures épineuses et déchiquetées. On
mourait de froid au sommet de la montagne. Lorsque les habitants se parlaient, c’était
pour exhaler de leur bouche de nouveaux nuages de fumée. Ils étaient entassés
dans le castrum abîmé, dans le château ridiculement étroit, tout là-haut,
dans un dénuement et une promiscuité sans bornes. Après les premiers combats, il
ne restait à Montségur qu’une centaine de soldats, contre les dix mille
combattants ennemis. Dix mille, quinze mille bientôt ! Pourtant, les
hérétiques ne renonçaient pas. À la Noël, ils n’avaient toujours pas capitulé
et Hugues des Arcis, que la rigueur du siège commençait aussi à exténuer, n’était
pas en mesure de prendre la place.
Il réussit toutefois un nouveau progrès, décisif
celui-là. Une nuit, un cordon de montagnards guida les soldats en empruntant un
passage pratiqué dans la roche même. Il ne s’agissait pas, cette fois, d’un
sentier, mais bien d’un passage, un chemin secret, invisible au premier
coup d’œil, taillé à coups de burin – sans doute l’un de ceux que les partisans
cathares avaient eux-mêmes utilisés pour communiquer avec l’extérieur du
château. Une série d’anfractuosités reliées par une mince corde, auxquelles on
accédait par quelques marches qui avaient l’air toutes naturelles. La troupe y
grimpa dans une obscurité quasi totale. Elle parvint à l’intérieur de la
barbacane et les assaillants décimèrent aussitôt les sentinelles. Leurs compagnons
du château n’eurent pas le temps de leur porter secours. Cette fois, Hugues des
Arcis était bel et bien
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