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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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que
dans la satisfaction de ses désirs immédiats, dans l’accumulation de ses biens,
sans se soucier du reste du monde… Son esprit, sa charité, dans leur plus
grande pureté, leur plus grande liberté, s’en trouveront aliénés… Et il pensera
qu’il est dans son droit, dans sa justice ! Il trouvera encore le moyen de
s’extasier de sa propre bonté d’âme – sans voir que d’âme, il n’en est plus
question. Qu’il n’y en a plus.
    Il continuait de tourner, en traînant les
pieds.
    — Je pourrais vous dire que pourtant, débarrassé
de ses dieux et de ses pères, cet homme, Escartille de Puivert, cet homme saura trop bien, au fond de lui-même, qu’il n’est pas heureux. Que les transitoria demeurent, et que lui-même, l’étourdi, le sot, s’y vautre pour
oublier tout le reste, croyant vraiment qu’il parviendra à oublier. Dans ce
monde, il se jettera sans réfléchir, il suivra le troupeau parce qu’il n’a pas
le courage de faire entendre sa voix, de pousser son cri. Il sera mort et
désabusé avant même d’avoir vécu. Ou bien, il sera vraiment heureux, et
cela sera plus terrible encore. Ce sera le comble de son aveuglement. Celui-là,
l’heureux imbécile, gouvernera le monde. Lui ou le tyran, qui décide de jouer
le jeu des forces de l’ombre. Dans ce monde, on exigera de chacun qu’il pense
de la même façon, qu’il agisse de la même manière que les autres, tant qu’il ne
réfléchit pas, tant qu’il n’exerce pas ce don douloureux de l’Esprit. Il
méprisera Dieu parce qu’il en aura peur. Parce qu’il aura perdu patience. Je
pourrais vous dire que nous avions en tête une autre forme de vie, mais que
cette alternative, sans doute, sera toujours vouée à l’échec. Comprenez-vous, Escartille
de Puivert ? Nous avions notre melhorament, notre consolament, notre convenenza ; notre Église et nos symboles. Et dans le monde dont je
vous parle, ce sera pire encore : il n’y aura plus d’alternative. Après
tant et tant d’années, j’ai compris notre erreur. Oui, nous avons fait une
erreur : nous avons pensé que l’homme pourrait aller au-delà de lui-même. Mais
il n’apprend rien. Il ne retient rien des choses de l’âme. Il ne retient que… les
choses, seules.
    Il s’arrêta et regarda Escartille :
    — Nous avons commis l’erreur de croire
que l’homme pouvait être autre chose qu’humain.
    Il revint s’asseoir.
    — C’est une erreur très grave.
    Il y eut un silence.
    Enfin, Escartille demanda :
    — Pourquoi me dites-vous tout cela ?
    Ce fut cette fois Pierre-Roger de Mirepoix qui
prit la parole.
    Il s’éclaircit la gorge.
    — L’un des nôtres a caché le trésor de
notre Église dans une grotte du Sabarthès, à la Noël. Cela fait plusieurs mois
maintenant. Seuls les livres que vous avez vus, les reliques, et quelques sous
que nous avons encore sont restés ici. Mais il y a d’autres espoirs. De
nombreux parfaits sont en fuite. Et les croisés ne doivent pas trouver le
secret que nous avons dissimulé à Montségur. Jamais ceci ne doit tomber entre
des mains indignes. Notre émissaire est reparti il y a peu pour vérifier que
tout ce que nous avions caché à Noël était toujours là, à l’abri. Depuis son
départ, nous n’avons pas eu de nouvelles. Il a pu se perdre ou être tué. Nous
ne devons prendre aucun risque. Voilà, donc, ce que nous souhaiterions…
    Il toussa. Il allait reprendre, mais ce fut
Raymond de Péreille qui enchaîna :
    — Nous voudrions que vous sauviez le
trésor de Montségur.
    Escartille cligna des yeux.
    — Moi ?
    — Vous ne serez pas seul, continua
Raymond de Péreille. Trois autres parfaits vous accompagneront, Amiel Aicart, Peytavi
et Hugon, ainsi qu’un de nos messagers. Ils ont déjà accepté. Ils sont encore
jeunes et vigoureux, malgré tout ce que nous avons subi. Mais ils ont besoin de
votre sagesse et de votre expérience de cette guerre. Vous qui connaissez si
bien nos vieilles routes occitanes, vous leur serez d’un précieux secours.
    Escartille baissa le visage, mit la main sur
le menton.
    Mon Dieu, que me demandent-ils là ?
    Il avait aussitôt pensé à Héloïse, à l’enfant,
à ce qu’Aimery lui avait dit la veille.
    Tu le sauveras.
    —  Vous me
demandez de quitter les miens à l’heure de ce jugement atroce…
    — Nous savons qu’Héloïse de Lavelanet a
eu un fils. Est-il besoin de parler de notre compassion, Escartille ? Mais
les derniers espoirs de notre

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