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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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ses
bras. À l’entrée de la cabane, à quelques centimètres du gouffre dans lequel
plongeait la falaise nord de Montségur, Aimery était avec son père. Son faucon
était venu le rejoindre sur son gant de cuir ; il se taisait. Aimery et Escartille
regardaient tous deux la jeune femme endormie. Ses traits se relâchaient un peu
avec le sommeil. Elle trouvait enfin, dans ces moments de repos trompeurs, une
sorte de sérénité qui n’était que fuite. Sans doute aurait-il fallu ne jamais
plus se réveiller ici, à Montségur. Car sitôt que vous ouvriez les yeux, vous
étiez rattrapé par le froid cinglant, qui refusait de quitter la montagne ;
par la lourdeur et les morsures de votre corps. La réalité revenait s’abattre
devant vos yeux, couperet sanglant et désincarné. Ne te réveille pas, pensait
Aimery en regardant son tendre amour ; peut-être vaut-il mieux que tu
ne te réveilles plus jamais, ni toi ni ton enfant. Notre enfant.
    Il se tourna vers Escartille.
    Ils se regardèrent longtemps, sans rien dire.
    Les sourcils froncés, le visage dur, Aimery
finit par parler.
    — Tu avais raison, père. Je n’aurais
jamais dû me rendre avec les faidits jusqu’à Avignonet. Crois-tu que les
choses auraient pu être différentes, si je t’avais écouté ?
    Escartille entoura de son bras les épaules d’Aimery.
    Puis il s’assit en tailleur, contemplant les
vallées envahies par la pénombre.
    — Je crois que cela n’aurait rien changé,
Aimery. Les faidits y seraient allés sans toi de toute façon.
    — Mais je me suis battu, père. J’ai tout
fait pour nous sauver. Et cela… je ne le regrette pas.
    Ils avaient descendu d’un ton. Leur voix n’était
presque plus qu’un murmure.
    — Il faut croire que nous ne pouvions
rien faire contre cette destinée, continua Escartille. C’est la nôtre, après
tout ; cela, personne ne pourra nous l’enlever. Jamais. Sais-tu l’impression
que j’ai eue, lorsque nous avons commencé l’ascension qui nous menait à
Montségur ? J’ai su que je devais me retrouver ici.
    Il marqua une pause ; une vague d’émotion
parut le soulever tout entier. Son vieux cœur fatiguait.
    — Lorsque je me souviens de ce que j’étais,
de ce qu’était ma vie à Puivert, de ta mère, du jour où je t’ai découvert… aurais-je
pensé, alors, que tout se terminerait ainsi, sur cette montagne ? Pourtant, il était dit que je me retrouverais là, et que nous aurions à vivre ces
instants… Y gagnerons-nous un morceau de ciel, Aimery ? Oh, mon Dieu !
Je t’en ai tellement parlé, lorsque nous marchions ensemble à travers toute l’Occitanie.
Mais je ne sais plus. Quoi de plus sombre, de plus douloureux, d’agir en tout
pour faire le bien, et de craindre sans cesse d’être dans l’erreur ? De
vouloir fonder sa pensée et ses actes sur l’amour d’un Dieu dont on craint qu’il
n’existe pas, qu’il ne nous aime pas, qu’il agisse comme un père sévère et
cruel, qu’il nous condamne à l’exil sans espoir de rédemption ? Oui, je
doute, Aimery… Je doute et le monde entier, sûr de son fait, convaincu de sa
raison et que cette raison doit s’appliquer à tous, au prix de notre sang, est
contre nous. Les nôtres, à présent, se tournent vers Bertrand Marty, vers les
parfaits et parfaites, vers moi. Nous devons les consoler comme c’est notre
tâche. Nous ne pouvons plus faiblir, moins encore que les autres, et moi
peut-être, le dernier entre tous. Et voilà que j’ai un petit-fils ! Notre
plus grand bonheur, une fois de plus, doit se retourner contre nous !…
    Cette fois, ce fut Aimery qui l’entoura de son
bras.
    — Ce n’est pas juste, dit-il.
    Toutes ces années avaient fortifié son
caractère. Les combats de ces derniers mois avaient fait de lui un guerrier
farouche. Mais cette fois, Aimery avait peine à refréner ses sanglots. Dès qu’il
songeait à Pierre et Héloïse, il…
    — Non, ce n’est pas juste, dit seulement Escartille.
    Aimery planta ses yeux dans ceux de son père :
    — Il faut le sauver, tu entends ?
    Escartille fronça les sourcils.
    — Que veux-tu dire ?
    Aimery serrait les dents. Ses yeux étaient
rouges de fureur et de larmes. Son visage était maintenant tout près de celui
de son père.
    —  Il faut le sauver. Cet enfant ne
mérite pas de mourir, père. Tu dois le sauver.
    Escartille ne quitta pas Aimery du regard. Il
n’était pas sûr de comprendre. Aimery reprit :
    — J’ai deux

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