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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Marquesia
de Lanta, pique l’aiguille, les bourses, les restes de miel. Imbert de
Salles, Jean de Combiel, Raymond de Saint-Martin, la vieille Rixende au visage
dévoré de fatigue, aux cheveux blancs et sales tombant de son capuchon, Corba
et Esclarmonde de Péreille se firent, avec d’autres, les relais de ce triste
dénombrement ; et dans la salle voûtée de la maison des pèlerins, on
entassait ce qui pouvait l’être encore.
    Ce fut dans la soirée du 7 mars qu’Héloïse se
tourna vers Aimery et lui saisit le bras.
    Non loin d’elle, Bertrand Marty continuait de
consoler des croyants.
    Et Héloïse, le visage implorant, dit au jeune
homme :
    — Je le sens, Aimery. Je le sens qui
bouge en moi, je sens qu’il va venir.
    Héloïse perdit les eaux le 8 mars.
    On la transporta aussitôt sur une couche, faite
de foin et d’un simple drap de lin.
    — Pourquoi, disait-elle, les jambes
écartées, entre deux spasmes de douleur, pourquoi a-t-il fallu qu’il vienne maintenant  ?
Aimery, oh mon amour, pourquoi l’avons-nous fait ?
    Mais elle ne savait s’il eût mieux valu que
son bébé termine avec elle sur le bûcher ; au moins la vie, dans ces
instants de suprême détresse, trouvait-elle encore un moyen de se frayer un
chemin. Aimery pleurait, tantôt de bonheur, tantôt de chagrin. Il embrassait
Héloïse, l’aidait à respirer. Escartille se tenait un peu plus loin, debout, les
mains jointes. Esclarmonde de Péreille, fille de Raymond de Péreille, maître
des lieux, assistait cet enfantement, avec Faye de Plaigne et Arpaïx de Rabat.
    Esclarmonde… Escartille
repensa à cette autre Esclarmonde, qu’il avait croisée juste après la bataille
de Muret et qui l’avait incité à rejoindre la communauté cathare – cette
Esclarmonde de Foix, dame légendaire dont on avait cru, durant un temps, qu’elle
était la secrète maîtresse de Montségur. Au début du siècle… Esclarmonde… Eclaire
le monde…
    L’enfant poussa un cri.
    Il était né.
    Vivant.
    Vivant, dans cette belle et triste crèche.
    C’était un garçon.
    Héloïse le regarda, elle pleura encore avant
de s’évanouir.
    Aimery prit le bébé dans ses bras.
    Escartille s’était approché de lui. Son fils
échangea avec lui un sourire.
    Il le serra contre lui, de toutes ses forces.
    — Te voilà père, Aimery. Mon Dieu, te
voilà père, à ton tour.
    Les 9, 10 et 11 mars, Héloïse reprit de
la vigueur. Elle était restée alitée, l’enfant contre son sein. Aimery et elle
décidèrent de l’appeler Pierre. C’était le nom du père de la jeune femme. Ce
père qu’elle aimait encore et qu’elle n’avait plus jamais revu, depuis ce jour
où, en sa folie, elle s’était précipitée sur les traces du ductor Jean
de Montréal, dans la forêt de Pamiers. En toute autre circonstance, cette
naissance eût été pour elle le plus beau moment de sa vie ; mais ici, elle
et Aimery oscillaient sans cesse entre le sourire et les larmes. Héloïse ne
savait si elle devait se maudire à tout jamais, ou admettre ce destin où elle
avait conduit ses propres pas, sous l’effet des impulsions de son cœur. Ils
étaient là, tous les trois, dans cette cabane suspendue, cette cabane du
vertige au sommet du pech et, déjà, il ne restait plus que quatre à cinq
jours. Escartille leur tenait souvent compagnie, lorsqu’il n’aidait pas
Bertrand Marty et les siens à dispenser le consolament , ou à rassurer
comme il le pouvait ceux qui commençaient de paniquer à l’idée de l’inexorable choix
qui se présentait à eux. Pourtant, comme l’avait dit Guillaume Mir, qu’Escartille
avait consolé à sa demande, aucune des deux cents personnes qui se trouvaient
encore à Montségur n’avait, pour le moment, annoncé qu’elle déciderait d’abjurer
pour garder la vie sauve. La chose était à la fois sinistre et d’une beauté
stupéfiante ; au contraire, on attendait la mort en cherchant le
recueillement, le réconfort dans la méditation, et parfois, on se sentait déjà
prêt à aller au-devant d’elle avec une confiance dont nul n’aurait su dire dans
quelle forme de grâce, d’inspiration cette confiance était puisée. Escartille
admirait chacune de ces âmes dont il avait appris à connaître, une à une, l’existence
passée, les regrets, les joies et les remords.
    Ces âmes hérétiques.
    Alors que le soleil se couchait, une nouvelle
fois, une fois encore, Héloïse s’était assoupie, épuisée, l’enfant entre

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