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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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contradictoires. Certains avaient un air satisfait, trouvant
sans doute que l’amende honorable était un faible supplice ; mais parmi la
grande majorité de ses sujets, l’effroi le disputait à l’abattement.
    Un homme se tenait aux côtés d’Escartille ;
son visage était d’une pâleur étonnante, mais ses yeux étaient de braise. Il
portait une robe noire à capuchon, serrée par un cordon à la ceinture. Il
tenait une bible en main.
    Ce doit être l’un d’eux, se dit Escartille, l’un de ces cathares que l’on vient chasser jusqu’ici.
    L’homme ne manquait pas d’audace, à venir se glisser
ainsi au milieu de la foule. Escartille et lui étaient un peu en retrait, dans
le fond de l’église. Le cathare ne paraissait pas s’inquiéter d’être reconnu. Sans
doute, en ce jour où le comte de Toulouse ployait devant eux, les prélats
tenaient-ils au contraire à ce que leurs ennemis puissent assister de visu à cette humiliation. Le parti hérétique pouvait ainsi mesurer, si besoin en
était, l’immense pouvoir contre lequel il avait l’inconscience de se dresser.
    L’homme chuchota soudain à l’adresse du troubadour,
sans tourner la tête :
    — Ils sont fous. L’hérésie dont ils nous
accusent est la foi du peuple d’ici. Ces suppôts de Satan dont ils parlent sont
nos amis, nos parents, nos frères ! Et c’est Rome qui nous dira que croire
et comment agir ? Notre pauvre comte de Toulouse est pieds et poings liés…
Oui, il est vassal du roi d’Aragon, il est l’ami des rois de France et d’Angleterre ;
mais personne ne fera rien pour lui ! Le comte est-il seulement maître
chez lui ? Ses terres sont presque aussi vastes que celles du royaume de
France, et il peut à peine lever une armée dans ses propres fiefs !… Entre
les ligues de barons, les comtes de Foix et les Trencavel, les intérêts se font
et se défont… Il veut gagner du temps… Mais à quoi bon ?
    Le cathare hochait la tête. Escartille ne lui
répondit pas.
    Durant tout le temps que dura cette triste
cérémonie, Raymond VI agenouillé s’adressa à Dieu, non celui qu’on lui
reprochait d’avoir renié, ni même celui de ses amis cathares ; mais à ce
Dieu que tous cherchaient, et dont Raymond sentait cruellement l’absence
aujourd’hui. Il avait en balance la survie d’un peuple qui l’aimait et la
crainte de la puissance à laquelle il s’exposait, au-delà de tout ce qu’il
pouvait imaginer. Face à ce choix impossible, il capitulait devant les prélats
rassemblés. Il décida de donner le change jusqu’au bout, et de rejoindre la
cause même de ses ennemis. S’il n’était plus une menace, s’il gagnait la
confiance du pape, alors peut-être pourrait-il atténuer la haine qu’il sentait
se lever contre les siens. Cette perspective achevait de l’exaspérer, et
pourtant, c’était la seule issue. L’issue du faible, peut-être, ou du suzerain
trop conscient des pouvoirs qui risquaient de se déchaîner s’il continuait à
provoquer la papauté. Ainsi, il allait faire mine de servir le fer ennemi, pour
mieux en prémunir ses parents et ses vassaux. Un calcul épouvantable, dont il
savait les limites ; mais l’échine du guerrier devait maintenant se
courber pour jouer les anguilles dans des eaux hostiles.
    De nouveaux coups de verges vinrent enflammer
son dos.
    Il serrait les dents, les yeux clos.
    Tout cela ne suffit pas à empêcher les
massacres qui se préparaient.
    Escartille ne tarda pas à comprendre qu’il
ne faisait pas bon vivre à Saint-Gilles ; décidément, rien ne semblait
devoir s’y apaiser. La cérémonie ne s’était pas achevée depuis une heure que, cherchant
désespérément de quoi renflouer sa bourse, le troubadour, revenu sur la
grand-place, y trouva un prêcheur catholique, juché sur un simple tabouret de
bois. Il se nommait Dominique de Guzman. Avec l’évêque d’Osma, il avait
longtemps marché, pieds nus, sur les routes poussiéreuses du Languedoc, mendiant
le droit d’être écouté en même temps que son pain quotidien. Souvent, on s’était
moqué de lui, on lui avait jeté de la boue ou des légumes, on lui avait attaché
de la paille dans le dos. Il était passé à Montpellier, Servian, Béziers, Carcassonne,
Montréal, où il avait rencontré Guilhabert de Castres et un grand nombre de
parfaits ; aujourd’hui, il arguait à qui voulait l’entendre du bien-fondé
de la guerre.
    — Qui défendez-vous, mes amis, mes

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