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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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et
qu’il y fait office de passeur, d’œil grand ouvert sur l’Histoire. Le
troubadour, ici, découvre la mort. Un premier aboutissement, en quelque sorte. Nous
en parlerons une prochaine fois : je gage que tu comprendras alors ce qui
m’intrigue, tu ne peux pas le manquer.
    Bien amicalement à toi, Antoine. »

6 Tuez-les tous ________________________ Juillet 1209
    « Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens. »
    Arnaud-Amaury, légat de Cîteaux,
    lors de la prise de Béziers.
    Cette fois, c’est
parti.
    Escartille galopait sur les routes occitanes –
et sans le savoir encore, vers une autre sorte d’enfer.
    Arrivé au sommet d’une colline, il retînt les
rênes de sa monture.
    Ce fut alors qu’il les vit.
    Oh oh. Le temps se gâte !
    Des milliers d’hommes avançaient dans la
campagne languedocienne. Les chevaliers, croix d’orfroi et de cendal sur la
poitrine, portant haubert et cotte de mailles, étaient accompagnés de leur
suite, écuyers, sergents, valets de pied, qui représentaient parfois plus de
quarante soldats par bataillon, sans compter les membres de leurs familles. Derrière
eux marchaient une foule d’archers, d’arbalétriers, de sapeurs, de mineurs, de
professionnels responsables des machines. Des nuées de routiers, mercenaires
basques et aragonais recrutés pour l’occasion, terreur absolue des populations
civiles, ajoutaient à ce défilé que l’on pouvait voir approcher de plusieurs
lieues, riant, criant, crachant, chantant de vallon en vallon, au milieu des
champs et des herbes hautes, dans une interminable collection de blasons et de
bannières. Des centaines de préposés aux bagages venaient encore enfler cette
marée humaine : ils traînaient sur leurs chariots les caisses d’armes, les
cuisines, les tentes, le matériel destiné à l’établissement des sièges de l’ennemi,
des lingères, des blanchisseuses, des ravaudeuses, des filles de joie. Mendiants
et vagabonds, clopinant dans le sillage des chariots, achevaient de composer ce
terrible spectacle de l’armée en marche, d’où s’élevaient des clameurs
ininterrompues. Des nuages, des tornades de poussière les suivaient.
    Escartille retint son souffle.
    Seigneur Dieu.
    Il donna du talon contre les flancs de son
cheval.
    Pourvu que je trouve asile quelque part.
    Échappé aux confins de la Provence, le
troubadour avait confectionné à Aimery une sorte de berceau qu’il portait
contre son ventre. Sa chevauchée n’en était que plus ardue ; les cahots ne
cessaient d’arracher à l’enfant des cris et des pleurs. Escartille craignait à
tout moment que les sangles de son berceau de fortune ne se défassent. Échaudé
par sa propre cavalcade, il avait du mal à réaliser vraiment ce qui venait de
lui arriver. Sa vie avait basculé du tout au tout ; chaque fois qu’il
regardait le visage poupin de son fils, il hésitait entre les rires et les
larmes. Arraché à Puivert et à la solitude dans laquelle il s’était muré ces
derniers mois, le troubadour ne cessait à présent de penser aux paroles de la
servante de Louve – par pitié, laissez-la en paix maintenant ! Ne
cherchez pas à la rejoindre ! Respectez ses vœux et sauvez son enfant, il
est de noble sang. Vous n’imaginez pas quel est son déchirement, vous n’imaginez
pas comme elle a souffert. Mais s’il devait à la fois échapper à la vie de
Puivert et courir dans tout le pays, sans même pouvoir se lancer à la poursuite
de sa Dame, que faire ? Où aller ? Prenez garde, avait dit
encore la servante : votre pays est dangereux, vous savez comme moi ce
qui s’y passe. Et si Escartille avait eu vent de la montée des troubles
dans toute l’Occitanie, il était loin de s’imaginer qu’une guerre véritable
était déclarée.
    Après une réflexion aussi rapide que l’exigeaient
les circonstances, Escartille s’était rendu jusqu’à Saint-Gilles – non loin de
l’endroit même où le légat Pierre de Castelnau avait été assassiné quelque
temps plus tôt. Le troubadour espérait y retrouver un de ses anciens compagnons,
André de Bonnefoi, qu’il avait rencontré à Puivert et qui l’avait entretenu de
la beauté et de la richesse des cours où il avait chanté. Le troubadour pensait
ainsi se faire introduire auprès de nouveaux protecteurs. Mais il s’avéra bien
vite qu’André de Bonnefoi avait quitté la Provence, sans que l’on sache pour
quelle destination, ni ce qui lui était arrivé. Escartille rageait

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