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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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frères ?
demandait-il, qui défendez-vous, sinon une secte, une secte dangereuse, qui se
complaît dans toutes les erreurs ? Depuis des années, j’ai sillonné les
routes de votre pays, j’ai prononcé des paroles de paix. J’ai dit que, si l’on
s’était saisi de moi, j’aurais supplié que l’on ne me mette pas à mort d’un
coup, mais que l’on m’arrache les membres un à un, pour prolonger mon martyre, plutôt
que de renoncer à un seul des commandements de ma foi. Et je le dis encore, oui !
Je suis prêt à n’être plus qu’un tronc sans membres, à avoir les yeux arrachés,
à agoniser dans mon propre sang, plutôt que d’épouser une cause indigne ! J’ai
prêché, j’ai imploré, j’ai pleuré devant vous ! Mais là où valait la
bénédiction vaudra maintenant le bâton ! Persistez dans l’erreur, et nous
exciterons contre vous les princes et les prélats, ils convoqueront nations et
peuples, et un grand nombre d’entre vous périra par le glaive ! C’est vous
qui subirez ce martyre que j’appelais de mes vœux ! Réveille-toi, peuple
occitan, et reviens à l’Église de Vérité ! Réveillez-vous tous, ou vos
tours seront détruites, vos murailles renversées les unes après les autres !
Vous-mêmes serez réduits en servitude ! C’est ainsi que prévaudra la force,
là où la douceur a échoué.
    Escartille ne pouvait savoir que cet homme n’était
autre que le futur saint Dominique.
    Par Dieu, je n’y comprends rien ! Je n’ai
rien demandé de tout cela ! Ces querelles me passent au-dessus de la tête.
    Une chose était sûre : il était hors de
question de rester davantage en ce lieu agité.
    Usant de toutes ses malices, le troubadour s’aventura
dans une ferme où il parvint à dérober deux poulets, des fruits et quelques
rasades de lait.
    Il n’avait avec lui que quelques deniers ;
voilà qui ne le mènerait pas loin.
    Il hésita longtemps avant de reprendre
son chemin et resta dans les environs, à glaner ici ou là de quoi subsister. Alors
que l’été approchait, Escartille, désemparé, se décida à trouver un abri plus
sûr que les granges de foin et le refuge des fermes. Aimery était d’une
insatiable voracité. Le troubadour lui consacrait chacun de ses instants, malgré
ces impossibles circonstances. Il était devenu un chasseur de tétons, de mères
nourricières, de ces familles de paysans crottés auprès desquels, chaque jour, il
gagnait pour le nouveau-né le simple droit de découvrir le matin suivant. Lorsqu’il
le regardait, Escartille songeait à Louve avec tristesse ; dans les yeux
noirs de l’enfant, dans ces joues douces et fraîches, dans cette bouche avide, il
cherchait à discerner ses propres traits et ceux de la belle Aragonaise. Maladroit,
incapable, perdu, Escartille s’efforçait cependant de garder espoir, de ne pas
céder au chagrin ; mais il lui fallait rapidement trouver un asile plus
sûr.
    — Aimery ! Aimery ! Dans quelle
folie nous ai-je entraînés ? Seras-tu longtemps privé de celle que j’aime
et qui t’a mis au monde ? Quand, comment pourrons-nous la retrouver ?
Ne pleure pas, je t’en prie, non ! Ne pleure pas, par pitié, petit morveux !
Seigneur, je sais que Vos desseins sont impénétrables, surtout en ce moment ;
mais ne pourrais-je savoir un peu plus où je vais, et ce que je dois faire à
présent ?
    Béziers. C’est là qu’il faut aller.
    Escartille pensait trouver dans cette ville la
sûreté qui lui manquait. Pourtant, il avait eu vent de la situation ! Les
nouvelles se répandaient maintenant dans la région comme une traînée de poudre.
L’Église, en chasse contre les hérétiques, était entrée en Languedoc avec la
ferme intention de faire plier toutes les maisons soupçonnées de catharisme. Raymond VI
devait rejoindre les croisés à Valence. Les troupes dirigées par Milon, celles-là
mêmes que le troubadour avait déjà trouvées sur sa route, allaient retrouver
celles de l’archevêque de Bordeaux, qui pénétraient dans le Languedoc par le
Quercy. Le comte de Nevers était des leurs, ainsi que le duc de Bourgogne, le
comte de Saint-Pol, Pierre d’Auxerre et Adémar de Poitiers ; il y avait là
la plus haute noblesse de France, une armée de clercs et de seigneurs, accompagnés
de leurs vassaux. On annonçait l’arrivée de cinquante mille hommes ; cinquante
mille chevaliers bardés de fer et prêts à en découdre, sans compter les
dizaines de milliers de

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