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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Emmitouflé de blanc, le troubadour se pencha enfin vers
l’ouverture.
    Mon Dieu, c’est bien ce que je craignais.
    —  Ils sont là,
n’est-ce pas ? dit-il à l’adresse de la servante. Ils sont là !
    Escartille manqua de s’effondrer sous le coup.
    Les croisés étaient arrivés devant
Carcassonne le 1 er août. Deux jours plus tard, ils avaient pris le
Bourg, au nord, au son des Veni Sancte Spiritus. Trencavel n’avait rien
pu faire. Le Castellar était mieux fortifié ; il avait pu repousser un
premier assaut, mais cela n’avait pas suffi. Le vicomte était cependant parvenu
à massacrer la garnison que l’ennemi venait de mettre en place. Oui, cette fois,
de véritables opérations militaires étaient engagées. Escartille, du haut de la
fenêtre du palais, dans le donjon, passa la main sur son visage horrifié. Il
voyait à nouveau de la fumée, on se battait encore aux abord du Castellar, non
loin des murailles.
    Ils sont venus, pensa
le troubadour. Ils sont venus et tout recommence !
    Une immense vague de faiblesse le submergea. Léonie
se précipita vers lui et l’aida à regagner sa couche.
    Pris au piège, une fais encore ! Mais
que Vous ai-je fait, Seigneur ?
    Il se retourna vers Léonie :
    — Je cherche Don Antonio… Don Antonio de
Bigorre et sa fille, une Aragonaise du nom de Loba, la Louve. Savez-vous
où ils sont allés ?
    Léonie n’avait jamais entendu parler du
chevalier aragonais.
    Elle promit de se renseigner, sitôt que le
troubadour irait mieux ; mais il était de nouveau impensable de quitter la
ville en ces circonstances.
    Dans la soirée, on lui amena Aimery.
    Au-dehors, les combats continuaient.
    Escartille prit le bébé dans ses bras. Il le
regarda longtemps, jouant avec lui, glissant un doigt entre ses petites mains, essayant
de le faire sourire. L’enfant avait retrouvé ses bonnes joues et son teint de
lait.
    — Alors, mon bonhomme, te voilà sauvé !
Tu peux dire merci à tes nouvelles mamans. Léonie, vos herbes, vos philtres et
vos breuvages font merveille.
    Escartille le plaça sur ses genoux, le fit
boire, lui chanta des chansons. Il s’efforçait de dissimuler son abominable
tristesse, à l’idée que son intuition avait été la bonne, et qu’il était passé
si près de revoir sa belle. Oui, il jouait de malchance, mais tout n’était
peut-être pas perdu. Léonie, continuant de papillonner autour de lui avec ses
sœurs, ne tarda pas à lui apprendre que d’autres ambassades espagnoles étaient
attendues à Carcassonne. Tandis que la guerre faisait rage plus que jamais
autour de la ville, le troubadour, encore faible, se résolut alors à profiter
de ce répit forcé ; il y trouva même le moyen de passer quelques jours
voisins du bonheur.
    Ce fut à cette époque qu’il commença à
écrire son Livre de Vie.
    Cette idée avait germé en lui après avoir
assisté au massacre, alors qu’il s’endormait sur la colline, non loin de
Béziers. L’amour, la mort, la guerre, voici ce que l’on trouverait dans ce
Livre, à chacune de ces stances que le troubadour commençait à écrire. Ne
pouvant se déplacer longuement, Escartille se fit procurer des encres
multicolores et des rouleaux de parchemin. Ce travail lui permettait de rester
en éveil et d’épancher son cœur. La rumeur des combats montait chaque jour
jusqu’à lui ; il rageait de ne pouvoir quitter la ville, mais il lui
fallait être actif. Il déversait son angoisse et la muait chaque fois en de
nouvelles stances. Il écrivait avec frénésie, jusqu’à un nouvel épuisement. Il
s’était fait le serment intime de relater fidèlement les épisodes de cette
guerre qui venait d’embraser l’Occitanie. Son Livre serait un poème, un long
poème courtois ; il y raconterait la vie de Puivert et sa rencontre avec
Louve, il déroulerait le fil de ses aventures sur des milliers de vers
alexandrins. Lorsqu’il pensait à cette œuvre, dont il voyait jaillir les
contours, il se sentait guidé par une voix impérieuse qui lui commandait de
témoigner de son histoire. Il rêvait ! Il rêvait tandis que Trencavel, au-dehors,
s’efforçait de contenir les assauts répétés du légat de Cîteaux. Oui, songeait-il
dans ses moments de délire, son récit serait un chef-d’œuvre ; il
rédigerait ce conte en langue occitane, on le jouerait, on le chanterait dans
toutes les cours. Une histoire, c’est comme une fleur… Voilà ce que
disait son père, autrefois. Et il dirait tout, tout

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