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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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et qu’en échange, les croisés avaient accepté de leur
laisser la vie sauve. Déjà, on chantait son nom avec tristesse, on le comparait
au Christ, on le couvrait de louanges. De toutes parts, des chariots, des
colonnes d’habitants désormais sans refuge s’enfuyaient par les routes et les
collines, en une myriade de taches brunes et blanches. Escartille regardait
autour de lui, plus accablé que jamais.
    Léonie avait été entraînée, elle aussi. Et
elle avait emmené Aimery avec elle !
    Il ne put retenir un cri de stupéfaction
en voyant tout à coup, le long d’une route qui disparaissait au loin, au milieu
du flot humain qui passait entre les croisés, le chevalier qu’il avait aperçu
quelque temps plus tôt.
    Il le regardait, figé en sa majesté, sa cape
blanche flottant dans le vent, une épée étincelante à son côté. Son cheval, noir
comme la nuit, semblait souffler des flammes de ses nasaux.
    Escartille s’écria :
    — Hé ! Vous !
    Le cavalier ne répondait pas.
    Escartille tourna la tête.
    — Il est là ! Le cavalier ! Il
est là, ne le voyez-vous pas ?
    Mais personne ne semblait faire attention à
son délire.
    Il se jeta en avant, jouant des coudes autour
de lui ; deux croisés, croyant qu’ils avaient affaire à un fou, le
laissèrent passer. Il sortit de la ligne où il se trouvait, pour gravir un
monticule de terre. Il trébucha, ses mains touchèrent le sol ; il se
releva en les essuyant contre sa tunique.
    — Vous ! Que faites-vous ici ?
    — Je ne pensais pas te retrouver là, troubadour.
    — Que faites-vous ici ?
    Le cavalier ne le regardait pas. Il dit enfin :
    — J’ai accompli ma tâche.
    — Comment ? Quelle tâche ?
    — Celle qui m’a fait traverser la moitié
du monde.
    — Vous êtes allé à Montségur, n’est-ce
pas ? Pourquoi ? Qu’avez-vous apporté là-bas ?
    Le Cavalier regarda Escartille. Il paraissait
immense au-dessus du troubadour.
    — Oublie, mon garçon. Oublie que nous
nous sommes rencontrés.
    Son visage s’assombrit.
    — Il y a dans cette vie des choses qu’il
vaut mieux ne pas savoir, crois-moi. Des vérités bouleversantes, qui peuvent
ruiner à jamais l’espérance des hommes. Oui, il existe des lumières dont il ne
faut pas trop s’approcher. Lorsque l’on veut contempler Dieu en face…
    Escartille regarda un instant en direction des
colonnes qui s’échappaient comme une marée des portes de la ville.
    Lorsqu’il se retourna, le cavalier avait
disparu.
    Escartille cligna des yeux.
    Avait-il encore rêvé ?
    Devant lui, les hommes, la route, la poussière,
à n’en plus finir.
    Escartille, perplexe, finit par regagner
la route et la cohue des habitants.
    — Léonie ! cria-t-il. Léonie, Aimery !
Où êtes-vous ?
    Il eut beau chercher, il ne put les retrouver
aux abords de la citadelle.
    Carcassonne la grande était tombée, elle aussi !
Seule restait Toulouse à présent ! La ville de Raymond VI, le premier
fief du Languedoc !
    C’est sur voies tous que repose désormais
le destin de l’Occitanie.
    Raymond-Roger Trencavel, premier personnage du
Languedoc après Raymond VI, fut jeté au cachot et placé sous la vigilance
des hommes d’Aguilah et de Simon de Montfort.
    Abandonné au fond de sa prison, il mourut de
dysenterie quelque temps plus tard. On soupçonna Montfort et Arnaud-Amaury de l’avoir
empoisonné.
    La nuit était tombée sur le pavillon d’Arnaud-Amaury.
    Le légat était assis, dans l’ombre. Devant lui
se tenait l’évêque Aguilah, raide comme un piquet, une main sur son sceptre. Deux
flambeaux éclairaient l’endroit où ils se trouvaient ; et des milliers
tout autour, près du pavillon. Arnaud-Amaury avait laissé planer entre eux un
long silence. Ce fut Aguilah qui, sortant de son mutisme, se décida à parler.
    — Ils résisteront. Je connais ces
Occitans. Ils résisteront jusqu’au dernier.
    — Ils ploieront jusqu’au dernier, rectifia
le légat. Et peu importe le temps qu’il nous faudra.
    Il se tut encore, avant de reprendre :
    — Oui, cette guerre sera longue, mon ami.
Peut-être plus longue que nous pouvons le penser nous-mêmes. Béziers est tombée,
Carcassonne se rend. Mais ce n’est rien encore. Simon de Montfort et tous les
autres se battront avec zèle tant que nous n’aurons pas vaincu. Ce que je viens
de vous confier, Aguilah, suffit assez à faire comprendre quelle est la vraie
raison de ce combat. Nous ne pouvons renoncer. Nous n’en

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