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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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défunt Pierre de Castelnau, avait longtemps fréquenté les
clercs de l’abbaye de Fontfroide. Grand, élancé, il portait une aube blanche, une
étole mauve et des gants de velours ; il tenait en main un bâton surmonté
d’une croix. Ses cheveux noir de jais étaient coupés très court. Il avait des
yeux petits et rapprochés, légèrement en amande, qui lui donnaient un air faux.
Ce regard de biais surmontait un nez aquilin. Sa bouche dessinait sur son
visage une moue caractéristique du mépris profond qu’il devait porter sur
toutes choses. Aguilah de Quillan avait été fraîchement promu évêque dans le
diocèse d’Albi ; cet homme d’à peine trente ans vouait à la cause
catholique un zèle infatigable. Proche de Foulque de Marseille, qui ne
tarderait pas à faire parler de lui en fondant en terre cathare sa Confrérie
Blanche, véritable institution de combat contre l’hérésie, Aguilah s’était
empressé de rejoindre le légat de Cîteaux dès qu’il avait senti souffler le
vent de la réaction. Il comptait bien continuer à grandir dans l’ombre d’Arnaud-Amaury,
l’un des confidents d’Innocent III. Aguilah était l’un des plus jeunes
représentants de l’épiscopat : sa volonté de fer, la sûreté de ses appuis
et la réputation de sa famille l’avaient subitement hissé à un rang inespéré. Il
avait su profiter de cette situation exceptionnelle, où une foi si intransigeante
ne pouvait être que payée de retour dans ce pays troublé. Depuis quelque temps,
ceux qui croisaient son regard, furieux et pénétrant, le disaient illuminé de l’intérieur.
C’est que, fort de sa récente accession à la dignité épiscopale, Aguilah se
sentait plus que les autres envoyé par le Christ ; la vue de ces
hérétiques qui n’avaient cessé d’humilier ses proches lui était devenue
intolérable. Le temps d’agir était venu.
    Un autre de ces croisés attira l’attention d’Escartille.
Il semblait doué d’une force herculéenne. Il avait une figure large, une barbe
noire et fournie, des sourcils drus. Escartille retint son nom à l’apostrophe
que l’un de ses compagnons lui lança. Il s’appelait Simon de Montfort. Il était
déjà dans la force de l’âge – quarante-cinq, peut-être cinquante ans. On le
connaissait pour ses qualités militaires et sa grande intelligence tactique. Il
n’était encore qu’un petit seigneur d’Île-de-France, que la guerre des
albigeois avait rameuté comme des centaines d’autres ; pourtant, son fief,
coincé entre Paris et Dreux, était important : il s’étendait de la vallée
de la Seine à celle de Chevreuse. Montfort possédait aussi le titre de comte de
Leicester en Angleterre et disposait d’une certaine richesse. Surtout, il
venait de se distinguer par une action héroïque, lors de l’assaut du Castellar :
au moment où les croisés battaient en retraite, il s’était jeté dans un fossé
pour sauver un blessé, sous une pluie de pierres et de flèches. Cela n’avait
fait que rappeler aux légats le prestige d’un homme qui, des années plus tôt, avait
combattu avec les armées de Philippe Auguste lors de la quatrième croisade, refusant
de se mettre à la solde des Vénitiens, et revenu de Terre Sainte après un an de
combats. On savait, à présent, qu’il avait l’étoffe pour devenir lui aussi l’un
des bras séculiers de cette guerre.
    Trencavel, Escartille et les chevaliers
étaient entrés. Ils formaient cercle au cœur du pavillon.
    — Messire Trencavel… commença
Arnaud-Amaury d’une voix tranchante. Vous aussi avez dû entendre les Veni
Sancte Spiritus… Ce sont les chants de Dieu que l’on clame sous vos murs… Car
c’est Lui qui s’apprête à prendre possession de votre fief, vous qui avez si
négligemment refusé de souscrire au marché que nous vous proposions. Je
comprends que votre protecteur, le roi d’Aragon, soit reparti fort courroucé de
votre entêtement.
    Trencavel ne fut pas décontenancé le moins du
monde.
    — Vos conditions étaient inacceptables. Vous
le savez. Je suis venu négocier.
    Arnaud-Amaury eut un petit rire, et échangea
avec les siens un sourire railleur.
    — Négocier, oui, oui… Bien sûr.
    Il se tourna vers Aguilah et leva une main :
    — Aguilah, mon ami, dites-lui ce que nous
en pensons.
    Aguilah se passa la langue sur les lèvres et, sortant
de son immobilisme, avança d’un pas.
    Escartille, dans son coin, tremblait comme une
feuille.
    Je ne sais

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