Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
contenant plus, la foule partit dans un tonnerre d’acclamations.
    — Vous voici, murmura Raymond à son
oreille. Voici enfin notre bras le plus précieux.
    Raymond recula de quelques pas et se tourna
vers l’assemblée.
    — Mes amis, saluez l’arrivée du roi !
    Tous s’agenouillèrent. C’était un beau
spectacle que de voir ces soldats, ces consuls, ces dames de Toulouse baisser
la tête, écarter les pans de leurs capes, de leurs robes et de leurs manteaux, et
ce roi, debout avec le comte, qui promenait sur eux un regard bienveillant. Pierre II
venait de repousser les Maures à Las Navas de Tolosa, à la suite d’une bataille
épique où des milliers d’Espagnols avaient trouvé la mort. Plus que jamais, en
roi très chrétien, il pouvait se prétendre l’un des plus ardents défenseurs de
l’Église catholique. Auréolé de cette gloire nouvelle, il avait espéré amadouer
Innocent pour lever la mainmise catholique sur ses terres occitanes. Il s’était
trompé. Le pouvoir des évêques de Rome avait été le plus fort. Pierre II
ne décolérait pas ; et puisqu’il en était ainsi, il avait décidé de venir
mener lui-même le combat. Raymond VII alla se placer auprès de son père, tandis
que la foule se relevait. En se redressant, le troubadour vit le chevalier de
Scala qui suivait le roi.
    Et il eut soudain un tel choc qu’il manqua de
défaillir. Instantanément, il plaça sa main sur l’épaule de son voisin, un
soldat qui, surpris, tourna la tête vers lui en haussant un sourcil.
    — Lui, murmura le troubadour. Lui !
    Revêtu de sa cape noire, avec pour motif trois
roses d’or entrelacées, l’allure fière et hautaine, une main s’attardant sur
son épée damasquinée, le chevalier Don Antonio de Bigorre avançait à son tour, tout
près de Scala. Il avait ce même pli de dédain sur les lèvres, ce même regard
dur et pénétrant qui, à Puivert, avait su transpercer le troubadour mieux que
ne l’eût fait la dague la plus effilée.
    Lui !
    Les chefs aragonais entraient dans la salle
avec leurs gens ; ils rejoignaient ceux de leur pays qui séjournaient déjà
depuis plusieurs semaines à Toulouse ; les Occitans les accueillaient avec
chaleur ; les uns et les autres commençaient de se mêler, tandis que
Raymond VI continuait son mot de bienvenue. Don Antonio passa alors tout
près du troubadour. Lui aussi, abandonnant provisoirement son masque impassible,
avait esquissé un sourire, regardant lentement à droite et à gauche. Et soudain,
il se figea, tombant nez à nez avec Escartille. Il en eut un instant le souffle
coupé. Vous, disaient ses yeux. C’est vous que je retrouve ici ! Les deux hommes se regardèrent sans ciller, puis Don Antonio considéra l’enfant
qu’Escartille tenait entre ses bras. Aimery levait vers lui un visage frais, ses
mains dansant autour d’un morceau de tissu qu’il s’évertuait à saisir. Il
répétait sans suite les premières syllabes qu’il avait apprises à prononcer, et
jetait au-dessus de lui un regard plein de curiosité. Un tremblement – était-ce
encore de colère ? – agita la lèvre inférieure de Don Antonio, mais pour
la première fois, il parut désorienté. Il fronça les sourcils et, un bref
instant, lança un coup d’œil derrière lui, en direction des portes.
    Cela n’échappa pas au troubadour, qui suivit
aussitôt cette direction.
    Loba la Louve
était là, avec Inès, sa confidente, et les autres servantes de son aréopage.
    Louve était là !
    Le cœur d’Escartille bondit dans sa poitrine ;
si ce n’était le commandement de l’étiquette et le nombre de ces gens qui
envahissaient la salle en rangs serrés, il se serait précipité en avant. Il
voulut crier, mais son cri resta bloqué dans sa gorge. Louve est ici, sous
mes yeux ! répétait en lui une voix chantante ; il s’en trouvait
soudain paralysé. C’était comme s’il assistait à un glorieux miracle, à une
résurrection, à une nouvelle épiphanie. Oui, elle se présentait ici, à Toulouse,
plus belle que jamais, une rose rouge pour diadème dans sa chevelure, sa robe
catalane cernée de fermaux de pierrerie, ces voiles tantôt noirs, tantôt
transparents, accompagnant avec grâce chacun de ses pas ; elle était
splendide comme au premier jour, lorsqu’il l’avait vue pénétrer dans la cour de
Puivert – et comme au premier jour, on se retournait sur son passage. Escartille
exultait. Il croisa de nouveau le regard, sombre, de

Weitere Kostenlose Bücher