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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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au plus fort de l’incertitude, tous témoignaient encore à Raymond,
par leurs acclamations, leur indéfectible soutien ? À son tour, Escartille
sentait qu’il portait un autre regard sur lui-même, écho lointain de la somme d’espérances
et de douleurs qu’il devinait dans les yeux des autres Occitans.
    Promettez-moi que vous la sauverez… que
vous sauverez… l’Occitanie !
    Escartille fut soudain arraché à ses
réflexions. Il déborda d’allégresse lorsqu’il entendit une voix claire l’apostropher
depuis les rangs de la foule.
    Il tourna la tête, sortant de cette rêverie
qui l’avait promené dans les rues de Toulouse comme au ralenti, et aperçut
soudain le joli visage de Léonie.
    Elle tenait Aimery entre ses bras.
    Escartille se sentit exulter ; en un
clin d’œil, il fit signe au comte, sauta de son cheval et se précipita pour
serrer la servante et son fils dans ses bras. Raymond sourit et poursuivit sa
marche.
    — Vous êtes vivants ! s’écria le
troubadour en les couvrant de baisers. Si vous saviez comme j’ai craint de ne
jamais vous revoir ! Si vous saviez comme je vous ai cherchés !
    Léonie était avec ses sœurs, qui se pressaient
autour d’eux. Escartille les embrassa toutes ensemble.
    — Ainsi, vous êtes parvenues à gagner
Toulouse ! Je ne l’espérais plus ; je suis passé par Bram et Cabaret,
par Lavaur et Arles pour y retrouver notre cher comte ; j’avais entendu
dire…
    — Je vous raconterai, sire troubadour, dit
Léonie. Nous avons fui Carcassonne très vite, sans savoir ce que vous deveniez,
et avec cette même crainte de ne jamais vous retrouver. J’ai veillé sur Aimery
avec la plus grande attention. Nous avons échappé mille fois aux pires dangers ;
imaginez-vous ! Nous étions toutes les trois, moi et mes deux sœurs !
Trois femmes, un enfant, dans ces campagnes ravagées par les routiers… Nous
avons dû nous précipiter à Lavaur, en effet, en espérant que dame Guiraude nous
sauverait, le temps de retrouver escorte pour gagner Toulouse ; mais dès
que nous avons su que les croisés allaient se présenter sous le château, nous
sommes reparties en carriole jusqu’ici, accompagnées d’un groupe de parfaits. Dieu
nous a guidées, Escartille ! Et nous voici !
    — C’est un heureux jour, Léonie, dit-il
en la serrant encore dans ses bras, et ils se font rares, en cette saison !
    Ils restèrent longtemps enlacés, puis Escartille
se retourna vers son cheval. Il remonta sur l’animal en prenant Aimery avec lui.
    Toi, Aimery, te revoilà avec moi ! Le
destin, pour une fois, nous a été clément !
    Au bord des larmes, mais un large sourire sur
le visage, il se pencha vers Léonie :
    — Rendez-vous au palais, Léonie ! Je
vous y ferai entrer, le comte s’est ouvert à moi sur notre chemin ; c’est
que je lui ai raconté la noble conduite de son neveu, par des détails qui ne
pouvaient le tromper quant à l’exactitude de mon récit. J’ai promis de chanter
pour lui, lorsque les temps seront plus gais. Il souscrira à ma demande.
    Escartille sourit encore et donna du talon
contre les flancs de sa monture.
    Longtemps, Toulouse fut en liesse.
    Puis, doucement, le calme revint, avec le soir.
    Au milieu de la nuit, Raymond veillait dans la
grande salle du palais, éclairée par un chapelet de flambeaux. Quelques barons
étaient encore là. Ils discutaient à voix basse, sous les voûtes. On ne
tarderait pas à se coucher pour prendre un peu de repos. Escartille était
parvenu à faire entrer Léonie et ses sœurs à l’intérieur de l’enceinte comtale,
comme il l’avait promis. Elles veillaient encore sur l’enfant comme de bonnes
fées. Mais pour l’heure, le troubadour se tenait assis près du comte, qui lui
avait demandé de lui chanter un ou deux poèmes. Escartille s’était exécuté
doucement, sans troubler la quiétude du lieu. Le comte fermait les yeux, et le
troubadour, qui les gardait grands ouverts, croyait voir défiler devant lui le
souvenir de ces jours de Puivert où le temps glissait sans importance. Il eut
même, cette fois, une pensée pour le triste sire de La Cornette, et surtout
pour cette pauvre Aurore de Pamiers, qu’il avait séduite avant de l’abandonner.
Il s’en voulait aujourd’hui de tant de légèreté… Il voyait encore ce lierre
grimpant jusqu’à sa fenêtre losangée, ce balcon qui n’attendait que lui. C’était
avant Louve, avant l’enchaînement sans fin de ces terribles

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