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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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franchir
cette porte, dit-il.
    — En effet, dit Escartille.
    Don Antonio le dépassait d’une tête. Sa bouche
se tordit. Il laissa planer un instant de silence, avant de reprendre :
    — Et vous aimeriez que je vous laisse
passer, vous, un poète, un troubadour qui ne sait rien de la vie, qui ne pense
qu’à chanter les vertiges de sa propre légèreté.
    — Un ami du comte de Toulouse, rectifia Escartille.
Et l’un de ses fidèles serviteurs.
    Il venait de poser la main sur l’épée que, la
veille au soir, Raymond VI lui avait remise. Il n’avait osé dire « soldat »
ni « chevalier », même s’il commençait de le penser. Il avait vu déjà
tant d’horreurs, il avait failli mourir tant de fois qu’il ne comptait plus ces
occasions où il aurait pu rendre l’âme ; il se sentait plus fort, mais
savait aussi que jusqu’à présent, il n’avait jamais combattu l’ennemi face à
face. Don Antonio, qui revenait avec le roi de Las Navas de Tolosa, ne pouvait
encore le considérer qu’avec mépris. Eh bien ! Il lui montrerait ce que l’orgueil
de ce chevalier espagnol refusait encore de voir. Il lui montrerait que le
jeune homme insouciant d’autrefois était mort et que, héraut malgré lui de
Trencavel, il serait bientôt compagnon d’armes du comte de Toulouse. Un
compagnon d’armes ! Cette idée résonnait encore de façon insolite dans son
esprit ; pour peu qu’il s’y attardât, elle lui semblait tout à fait folle ;
il ne connaissait rien à la guerre, l’avoir vue n’était pas l’avoir pratiquée. Il
avait encore peine à se convaincre lui-même et pourtant, une raison obscure le
poussait à croire qu’il n’avait plus le choix. Son entrée dans Toulouse, puis
les confidences inattendues de Raymond VI l’avaient touché plus encore qu’il
ne voulait l’admettre. Plutôt que de renâcler encore à une tâche qu’il devinait
sans doute au-dessus de ses forces, il était décidé à prendre les devants. Et
le regard à la fois tranquille, méprisant et provocant de Don Antonio le
renforçait dans ces dispositions.
    Don Antonio inspira encore.
    — Louve est avec ton fils, troubadour… Je
viens de les voir tous deux. Sais-tu que j’aurais pu choisir d’égorger l’enfant
cette nuit même – et toi avec ?
    — Pourquoi ne le faites-vous pas ? demanda
Escartille.
    L’Espagnol redressa le menton. Il plissa les
yeux, presque amusé de la repartie de ce jeune insolent. Le troubadour avança d’un
pas. Don Antonio hésita encore un instant sur la conduite à tenir, ne bougeant
toujours pas.
    — Cessons donc cette mascarade, dit le
troubadour avec assurance. Ce n’est ni votre honneur, ni votre sang qui sont en
cause. En revanche, c’est ma vie, la sienne et celle d’Aimery.
    Don Antonio plissa encore les yeux. Puis il
dit :
    — En Espagne, commença-t-il… mais sans
doute ne connais-tu pas ce pays, troubadour… en Espagne, nous avons des jardins
immenses, des fontaines cernées de massifs fleuris, des toits blancs comme le
soleil au lever du jour, des balcons qui respirent le bonheur… C’est là que
Louve a grandi, au milieu de la maison d’Aragon. Sa mère a été tuée par les
Maures, il y a de cela des années. Elle n’avait pas treize ans que déjà, les
princes de Catalogne et de Castille, les représentants de la plus haute
noblesse de Saragosse, de Grenade, de Cordoue et de Séville demandaient sa main.
Notre bon roi Pierre lui-même aurait souhaité la connaître. Il m’a fait son
ambassadeur, l’un de ses plus grands chevaliers. Louve a été aimée de tous sans
que jamais, avant toi, personne ait pu porter la main sur elle. Je la destinais
aux plus grands. Et toi troubadour, tu l’as ensorcelée, elle a cédé. Je devrais
te faire périr, oui, à l’instant même, comme j’aurais dû le faire à Puivert
déjà. Mais bientôt, nous irons combattre. Et ce soir…
    Il fit un effort démesuré sur lui-même.
    — Ce soir devrait être un soir de paix.
    Il s’écarta.
    Escartille eut peine à le croire, mais Don
Antonio le laissait entrer.
    Il franchit le seuil de la porte.
    L’Aragonais resta là quelques secondes, seul, sa
main gantée contre le pommeau de son épée.
    Il écouta les premières effusions de joie.
    Il baissa les yeux, puis retrouva son masque d’impassible
autorité.
    Et il s’en fut.
    — Je n’ai cessé de t’aimer, et
pourtant, mon Dieu ! Voilà qui est insensé… Je réalise que je ne sais
presque rien de

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