L’élixir du diable
toutes les autres.
Il se concentra sur elle, la cajola et la nourrit jusqu’à ce qu’elle resplendisse de clarté.
Puis il rentra et prit une douche, laissant l’eau laver sa sueur et le ramener dans le monde que les autres appelaient réalité. Il se sécha, enfila ses vêtements de nuit et se pencha de nouveau sur le dossier de Reilly.
Tout était là.
Navarro attrapa son téléphone et appela Octavio Guerra, l’homme qui le fournissait en gardes du corps. L’homme qui lui prodiguait sur les Américains toutes les informations qui l’intéressaient. L’intermédiaire qui lui procurait généralement tout ce dont il avait besoin. Et bien qu’il fût tard, il savait que Guerra répondrait à son appel, et il en irait toujours ainsi, quelle que soit l’heure, de jour comme de nuit.
— Reilly, l’agent du FBI, attaqua Navarro sans préambule. D’après son dossier, il a une femme à New York. Tess Chaykin.
Après une pause, il ordonna :
— Trouve-la.
Mardi
29
Ce fut à nouveau sous un ciel d’un bleu parfait que je me rendis en voiture à La Mesa pour interroger Karen Walker.
Nous avions arrangé un rendez-vous là-bas, dans les locaux tout neufs de la police, sur University Avenue, parce que c’était plus près du club-house des Aigles et de l’endroit où elle vivait. J’estimais qu’après ce qu’elle venait de subir, ce serait plus courtois que de lui imposer le long trajet jusqu’aux bureaux fédéraux de Villaverde. Elle arriva à l’heure – c’est à mettre à son crédit – et, quoiqu’elle eût l’air secouée et à cran, elle semblait tenir à peu près le coup. Elle ne s’était pas non plus fait accompagner par un avocat.
Je l’accueillis avec Villaverde et Jesse Munro, spécialement descendu de L.A. ce matin-là. Après mon départ, la veille, David avait téléphoné à Corliss pour le mettre au courant et celui-ci avait proposé d’envoyer Munro pour que nous puissions avoir un accès direct aux ressources de la DEA maintenant que l’enquête prenait de l’ampleur. Nous nous trouvions dans une salle de réunion du premier étage, un lieu qui m’avait paru plus propice qu’une des salles d’interrogatoire exiguës et sans fenêtres du rez-de-chaussée, où des inspecteurs étaient occupés à cuisiner les aspirants du club.
Les fichiers de l’ATF indiquaient que Walker et elle s’étaient mariés en 2003, peu avant qu’il soit envoyé en Irak. Ils avaient deux gosses, un garçon de huit ans et une fille de trois ans. Karen tenait une onglerie à La Mesa. Elle avait un casier, une peine légère pour coups et blessures, ce qui ne cadrait pas vraiment avec la femme posée que j’avais devant moi, mais la réinsertion des anciens détenus n’est pas nécessairement quelque chose de vain.
Nous étions à peine assis qu’elle demanda si nous avions retrouvé Scrape ou non. Les médias avaient parlé du meurtre du shérif adjoint, mais nous ne leur avions pas communiqué la raison de sa présence à l’entrepôt. Karen avait visiblement fait le rapport, étant donné le lieu de la fusillade, et je décidai que lui confier des détails que la presse ignorait contribuerait à établir une certaine confiance entre nous.
— Ils l’ont embarqué, dis-je. Ils ont descendu l’adjoint et emmené Scrape. Nous ne savons pas où ils sont et nous n’avons aucune piste là-dessus non plus.
Son regard, qui se porta tour à tour sur chacun de nous, était empreint de perplexité et de gêne. J’y décelai toutefois de la peur.
— Vous avez rien de rien ?
— C’est pour ça que vous êtes ici, madame Walker…
— Karen, coupa-t-elle sans sourire.
Je pris une inspiration, hochai la tête.
— OK, Karen. Voilà la situation : votre mari et ses copains faisaient un boulot pour quelqu’un. Je ne parle pas de motos customisées, je parle d’enlèvements à main armée qui remontent à déjà quelques mois. De fusillades qui ont causé la mort de plusieurs personnes. Mais ce n’est pas pour ça que nous sommes ici maintenant. Nous n’essayons pas de vous impliquer dans ces affaires. Nous sommes ici à cause de ce qui s’est passé au club-house. Parce qu’il faut retrouver les types qui ont fait ça et les coller en prison. D’accord ?
J’attendis qu’elle m’adresse un petit hochement de tête pour continuer :
— Vous avez vu de quoi ils sont capables. Nous ne savons pas qui ils sont ni ce qu’ils cherchent exactement, mais apparemment ils ne
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