L’élixir du diable
d’aisselle.
L’un d’eux, celui qui était assis à côté du chauffeur, gardait les yeux sur le téléphone HTC Android qu’il tenait à la main.
Il venait de charger une application qui lui avait été envoyée et qui fonctionnait sur le Google Maps intégré de l’appareil. Le logiciel de navigation du téléphone était ouvert sur une carte photographique de San Diego sur laquelle deux repères lumineux clignotaient : l’un, standard, utilisant la fonction GPS du téléphone cible pour indiquer sa position, l’autre, blanc, que l’application avait superposé à la carte.
Ce dernier repère, leur avait-on assuré, donnait la position de la cible à trois mètres près.
Les trois hommes s’apprêtaient à s’en assurer.
40
Pennebaker congédia l’infirmière de service – sincèrement inquiète maintenant qu’elle savait que nous étions là pour parler à son mec – et me rendit mon téléphone. Il ferma les yeux et prit une inspiration, hésitant clairement à replonger dans la partie de sa vie que la mort de Walker évoquait. Au bout d’un moment, il rouvrit les yeux et me regarda bien en face.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je lui racontai comment nous avions trouvé Walker et les Aigles. Ma filature. Le kidnapping des chercheurs de l’institut Schultes. L’enlèvement de Torres, probablement par ceux qui avaient tué Walker.
Quand j’eus terminé, il demeura silencieux puis une expression de colère indignée prit possession de son visage, chassant en un instant son calme apparent.
— Vous vous foutez de ce qui leur est arrivé ! explosa-t-il. Tout le monde s’en branle ! Tu fais une guerre impossible à gagner, tu massacres des civils innocents pour ton pays et, quand tu rentres, tu fais peur aux gens ou ils te méprisent pour ce qu’on t’a ordonné de faire !
Je jetai un coup d’œil à Munro. Il la bouclait mais je sentais que ça lui coûtait terriblement. Je n’avais surtout pas besoin d’un concours à celui qui pisserait le plus loin. Quelle que soit la virulence de Pennebaker, je devais absolument calmer les choses. Si sa rogne contre nous montait encore, il se tairait définitivement.
— Ça n’a pas dû être facile, dis-je. Se réadapter à la vie civile après l’Irak.
Il ignora ma tentative de conciliation et poursuivit, plus amer à chaque phrase :
— On a dû se serrer les coudes. Mais on a eu du mal à s’en sortir parce que la douleur et la violence étaient si profondément ancrées en nous qu’on n’arrivait pas à s’en débarrasser. En créant les Aigles, on n’a fait qu’exacerber cette violence. L’intérioriser. Chacun de nous a fini par se battre contre lui-même. Et à perdre. Vous voulez me remettre là-dedans ? Me ramener à la merde qui a tué Marty et a failli m’avoir ? Je vous pisse à la raie !
Il nous fixait d’un regard de défi absolu, le genre de regard qu’on est prêt à faire suivre de violence, au besoin. Je compris à cet instant comment Pennebaker et Walker étaient devenus ces types à qui il fallait s’adresser pour certains boulots. La force brute de Walker et la rage plus cohérente de Pennebaker devaient faire une combinaison redoutable.
— Mais vous vous en êtes tiré et apparemment…
Je ne pus m’empêcher d’indiquer de la tête l’endroit où sa copine s’était tenue.
— … ça va plutôt bien, pour vous. Ecoutez, nous ne cherchons pas à bousiller ce que vous avez construit ici…
— Mais on le fera si vous nous y obligez, intervint Munro, ayant choisi le rôle du mauvais flic, que ça me plaise ou non.
— Nous voulons coincer ces ordures, c’est tout ce qui nous intéresse, rectifiai-je. Ils ont complètement pété les plombs, et vous savez les ravages que ça peut faire.
Pennebaker plissa les yeux pour me dévisager mais ne dit rien. Je lui tendis de nouveau mon téléphone.
— Ça vous plaît qu’ils soient dans la nature ? Qu’ils fassent d’autres victimes ? Le jeune frère de quelqu’un, peut-être ?
Je perçus un changement dans son expression et j’attendis que mes mots fassent totalement effet. Au bout de deux ou trois secondes, il poussa un soupir, ses épaules s’affaissèrent.
— Marty n’était pas taillé pour être motard mais j’arrivais pas à le faire changer d’avis. J’avais sauvé la vie de Wook en Irak, c’est pour ça qu’il m’a laissé partir, mais j’ai pas pu sauver celle de Marty. Les premiers mois, je me supportais plus. Si on
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