L'énigme de l'exode

et Toutankhamon, s’il s’agit bien de ses fils, comme certains chercheurs l’affirment. Le syndrome de Marfan réduit considérablement l’espérance de vie. La rupture de l’aorte est la cause de décès la plus fréquente. La grossesse est une période particulièrement dangereuse, en raison d’une fatigue accrue du cœur. Au moins deux des filles d’Akhénaton sont mortes en couches.
    — Comme beaucoup de femmes à cette époque, fit remarquer Gaëlle. La durée de vie moyenne des femmes était de moins de trente ans, c’est-à-dire largement inférieure à celle des hommes, en grande partie en raison des dangers de la grossesse.
    — Akhénaton a souvent été critiqué pour avoir laissé son empire s’effondrer pendant qu’il passait son temps à prier Aton. Or, le syndrome de Marfan provoque une fatigue extrême. Peut-être est-ce pour cette raison que le pharaon n’a jamais été représenté dans une pose énergique, excepté sur son char. Ce syndrome pourrait aussi expliquer son attirance pour le soleil. En effet, ceux qui en souffrent sont extrêmement sensibles au froid. De plus, leur vue est affectée et ils ont besoin de beaucoup de lumière pour bien voir.
    — C’est tout de même risqué de baser toute votre théorie sur de simples hypothèses, non ?
    — Ah, ces universitaires ! Vous avez toujours peur d’avoir tort. Vous êtes des dégonflés. Vous vous dérobez toujours. De toute façon, j’ai raison. Ma théorie explique parfaitement le personnage d’Akhénaton. En connaissez-vous une autre qui soit aussi convaincante ?
    — Celle de la fumerie d’opium, par exemple.
    Stafford lui coula un regard étonné.
    — Je vous demande pardon ?
    — Vous savez que la momie du père d’Akhénaton, Amenhotep III, est conservée au musée du Caire.
    — Oui, et alors ?
    — Elle a été examinée par des paléontologues, et apparemment, les dents étaient en piteux état, expliqua Gaëlle.
    Elle se retourna vers Lily.
    — Les Égyptiens broyaient le grain avec des pierres, expliqua-t-elle, et il restait toujours des gravillons à la fin du processus. C’était comme manger du papier de verre. Tous les Égyptiens d’un certain âge avaient les dents usées, mais chez Amenhotep, c’était particulièrement marqué. Il a dû constamment souffrir d’abcès. Avez-vous déjà eu un abcès aux dents ?
    Lily fit une grimace compatissante en posant une main sur sa joue.
    — Oui, une fois.
    — Alors vous imaginez quelle a pu être sa souffrance. Il n’y avait pas d’antibiotiques, à l’époque. Il fallait attendre que ça passe. Il a dû boire pour endormir la douleur. Du vin, essentiellement, bien que les Égyptiens aient également apprécié la bière. Mais il y a une autre possibilité. D’après un papyrus désigné sous le nom d’Ebers, l’opium était bien connu des médecins de la dix-huitième dynastie. Ceux-ci l’avaient importé de Chypre. Ils en faisaient une pâte analgésique, qu’ils appliquaient sur la zone endolorie, les gencives dans le cas d’Amenhotep. Serait-il vraiment tiré par les cheveux d’imaginer qu’ils en aient également prescrit à Akhénaton, en particulier si celui-ci souffrait d’une maladie, comme vous l’affirmez ?
    Ils arrivèrent devant le complexe de Fatima. Le portail était fermé. Gaëlle donna un petit coup de klaxon.
    — Peut-être Akhénaton y a-t-il pris goût, reprit-elle. Il y avait de l’opium à Amarna. On y a retrouvé des cruchettes en forme de pavot contenant des traces d’opiacés. Chez les Minoens, l’opium était utilisé pour induire un état d’extase religieuse ou trouver l’inspiration artistique. N’est-il pas concevable qu’Akhénaton et les membres de sa cour aient pu faire la même chose ? Admettez qu’il y a quelque chose d’halluciné dans l’ère amarnienne, dans l’art, la religion, la politique étrangère...
    Lily éclata de rire.
    — Vous pensez qu’Akhénaton était un junkie ?
    — C’est une des théories qui peuvent expliquer la particularité de l’ère amarnienne. De là à savoir si c’est la vérité ou pas...
    — Je n’en avais jamais entendu parler, avoua Stafford. Existe-t-il des publications sur le sujet ?
    — Quelques articles dans les revues spécialisées, répondit Gaëlle, tandis que le portail s’ouvrait enfin. Mais rien d’important.
    — Intéressant, murmura Stafford. Très intéressant.

    II
    — Ils ont trouvé quelque chose, affirma Knox en s’éloignant du site