L'énigme des vampires

l’Humanité ». Et il
précise, dans un long discours, les grandes lignes de ce qu’il sait au sujet
des vampires, et particulièrement du comte Dracula, le plus dangereux parce que
générateur et chef suprême des non-morts qu’il suscite autour de lui.
    Van Helsing commence par caractériser l’« ennemi » :
« Il faut savoir que ce nosferatu ne
meurt pas, comme l’abeille, une fois qu’il a fait une victime. Au contraire, il
n’en devient que plus fort ; et, plus fort, il n’en est que plus dangereux.
Le vampire qui se trouve parmi nous, possède, à lui seul, la force de vingt
hommes… C’est une brute, et pis qu’une brute ; c’est un démon sans pitié, et
il n’a pas de cœur ; il peut, avec pourtant certaines réserves, apparaître
quand et où il veut sous l’une et l’autre forme de son choix ; il a même
le pouvoir, dans une certaine mesure, de se rendre maître des éléments : la
tempête, le brouillard, le tonnerre, et de se faire obéir des créatures
inférieures, telles que le rat, le hibou, la chauve-souris, la phalène, le
renard et le loup. » Et après avoir insisté sur la nature inhumaine du
personnage, il en vient à parler de la mission qui leur incombe à tous :
« Notre échec signifierait tout autre chose qu’une question de vie ou de
mort : nous deviendrions semblables à lui, des créatures de la nuit comme
lui, sans cœur ni conscience, faisant notre proie des corps et des âmes de ceux
que nous aimons le plus au monde. Les portes du Ciel seraient à jamais fermées
pour nous, car qui nous les ouvrirait ? » Et après avoir démontré que
les vampires sont connus du monde entier et depuis la nuit des temps, il
précise que « le vampire vit sans que le temps qui passe l’amène peu à peu
à la mort ; il prospère aussi longtemps qu’il peut se nourrir du sang des
vivants… Et son corps ne projette aucune ombre ; son image ne se réfléchit
pas dans un miroir ». Et van Helsing de reprendre les termes employés par
Jonathan Harker dans son journal de Transylvanie.
    Mais si le vampire est doué de pouvoirs extraordinaires, il
a néanmoins des faiblesses. Ses pouvoirs cessent en effet « dès les
premières lueurs de l’aube. Il jouit d’une certaine liberté, mais en des
moments précis. S’il ne se trouve pas à l’endroit où il voudrait être, il ne
peut s’y rendre qu’à midi, ou au lever, ou au coucher du soleil. Tout cela, la
tradition et les livres nous l’apprennent… Ainsi, le vampire peut parfois
accomplir sa propre volonté, pourvu qu’il respecte les limitations qui lui sont
imposées et se confine dans son domaine : son cercueil à lui, son enfer à
lui, ou encore dans un endroit non bénit, comme, par exemple, cette tombe du
suicidé dans le cimetière de Whitby… Et puis, il y a des choses qui lui ôtent
tout pouvoir, comme l’ail… ; comme ce symbole, ma petite croix d’or, devant
laquelle il recule et s’enfuit… Quant au pieu que l’on enfonce dans son cœur, nous
savons qu’il lui donne également le repos éternel, repos éternel qu’il connaît
de même si on lui coupe la tête ».
    Van Helsing se lance ensuite dans une longue dissertation, qu’il
prétend inspirée par les connaissances de son ami Arminius de Budapest. C’est
ici l’allusion la plus directe aux informations recueillies par Bram Stoker
auprès de ce professeur à l’université de Budapest qui a eu une si grande
influence sur lui. Cette connaissance du problème du vampirisme qu’il détient
lui permet d’élaborer un véritable plan de campagne contre le comte Dracula.
    D’après les renseignements collectés par l’équipe mise en
place par le professeur van Helsing, le comte Dracula a fait expédier cinquante
caisses remplies de terre provenant de son lieu de sépulture. Ces caisses ont
été livrées au manoir de Carfax, mais de là, il est vraisemblable que le comte
les a réparties en différents endroits pour mieux assurer ses retraites
nécessaires : en effet, un vampire doit obligatoirement passer la journée,
ou une partie de la journée, dans la terre où il a été inhumé, sinon, il risque
l’anéantissement. Connaissant ce détail, van Helsing fait en sorte de découvrir
en quels endroits ont été disposées les caisses, et grâce à de patientes
investigations, il parvient à tout localiser.
    Mais, durant ce temps, le vampire agit. À la clinique du docteur
Seward, une nuit, un bruit épouvantable jaillit de la