L'énigme des vampires
des espions de l’administration
ottomane, laquelle, ne l’oublions pas, était la maîtresse théorique des trois
principautés.
Quand Vlad Tepes eut bien en main cette troupe d’élite forte
de plusieurs milliers de cavaliers et d’hommes d’armes, il jugea le moment
opportun pour défier ouvertement la puissance turque. Il commença par refuser
de payer le tribut annuel imposé par l’administration ottomane, et surtout il
interdit aux représentations du sultan de recruter, comme ils le faisaient
jusqu’alors, leur contingent annuel de cinq cents janissaires roumains, janissaires
qui, on le sait, constituaient le fer de lance de l’armée turque, sorte de
légion étrangère composée de chrétiens prisonniers ou volontaires, et qui a
laissé une réputation d’héroïsme et de grande férocité dans la mémoire
historique. On se doute que cette soudaine attitude du maître de la Roumanie
provoqua une vive réaction de la part des autorités de Constantinople. Le
sultan Mohammed le Conquérant envoya immédiatement son grand vizir Hamza Pacha
afin de rencontrer Vlad Tepes et de négocier avec lui.
Mais cette mission officielle cachait des intentions plus secrètes :
il s’agissait, dans l’esprit du sultan, d’endormir la méfiance de Vlad, de l’isoler
de ses propres troupes et de le faire prisonnier. À cet effet, une armée de 3 500
guerriers turcs d’élite suivait fort discrètement l’escorte « diplomatique »
du vizir. Cependant, les propres espions de Vlad étaient à l’ouvrage, et ils
informèrent rapidement leur maître de ce qui se tramait derrière son dos. Il
rassembla sa propre armée et la mit en embuscade dans les montagnes et les
vallées de la Dobroudja, de façon à pouvoir séparer l’envoyé du sultan du gros
de ses troupes. Et quand il apprit que l’armée turque n’était plus qu’à une
journée de marche de l’endroit prévu par lui pour fondre sur ses ennemis, il
passa en revue ses soldats et réunit les officiers. C’est alors qu’il demanda à
son principal adjoint, qui était son homme de confiance, de faire empaler un
sur douze de ses soldats, afin de leur montrer ce qui attendait ceux qui refuseraient
de se battre ou qui fuiraient le combat. L’officier, du nom de Karolescu, refusa
énergiquement de procéder à une extermination aussi injuste que radicale. Sans
se démonter, Vlad saisit la lance d’un de ses gardes et transperça le corps de
son adjoint. La leçon était bonne : tandis que Karolescu agonisait, les
autres officiers se hâtèrent de faire empaler un sur douze de leurs soldats.
Une telle méthode d’intimidation ne pouvait que produire les
plus heureux effets sur le moral des troupes : les hommes avaient en effet
davantage peur de leur chef que de leurs ennemis… Le lendemain matin, alors que
l’armée turque arrivait au pied des collines où étaient cachés les Roumains, Vlad
l’Empaleur, lui-même en tête, fit charger contre le centre de la colonne
ennemie. La mêlée fut particulièrement sanguinaire, et au bout d’une demi-heure,
un millier de Turcs gisaient morts sur le champ de bataille. Hamza Pacha, voyant
que son armée avait le dessous, décida d’arrêter le massacre : il offrit
sa reddition à Vlad. Celui-ci accepta et fit cesser le combat. Mais, quelques
heures plus tard, il conduisit le général turc prisonnier au sommet d’une
colline qui dominait une petite plaine. Le sol de cette plaine avait été
hérissé de pieux et de lances, la pointe en l’air. Le Turc commençait à s’inquiéter
sérieusement de ces préparatifs qui ne présageaient rien de bon, et Vlad lui
expliqua avec beaucoup d’ironie qu’il allait voir ce qui devait fatalement
arriver à ceux qui perdaient une bataille. Alors, les 2 500 hommes
rescapés du combat furent empalés sous les yeux de leur chef et sous les
sarcasmes les plus délirants des Roumains. Il ne restait plus rien de l’armée
de Hamza Pacha. Et si celui-ci eut la vie sauve, c’est parce que Vlad voulait
qu’il allât lui-même raconter au sultan de Constantinople de quoi il était
capable pour assurer sa domination sur un pays dont les Turcs se prétendaient
impudemment – et imprudemment – les maîtres.
Cette rapide et incontestable victoire eut un profond
retentissement en Europe où le danger ottoman demeurait toujours pesant sur la
Chrétienté. Malgré les atrocités dont il ne faisait nul mystère – et que la
tradition populaire a d’ailleurs
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