L'énigme des vampires
c’est inévitablement faire
allusion au Livre d’Abramelin le Mage , une
fois de plus, et à ses rituels de « réanimation » des cadavres.
« Il faut se souvenir que le Dragon, dans toutes les civilisations, est le gardien du sang éternel . Cette histoire
rappelle tout à fait la philosophie néo-païenne de la Golden Dawn , et le
comte Dracula incarne une morale inhumaine, chère à Aleister Crowley, la morale
d’une caste se voulant une élite, se recrutant par cooptation et poursuivant
sans faiblesse ni sensibilité une quête fabuleuse par-delà le bien et le mal [37] . »
Il n’y a pas loin de cette notion ésotérique à celle qui se dégage de la
version germano-iranienne de la légende du Graal, celle de l’Allemand Wolfram
von Eschenbach [38] , où les gardiens du
Graal sont des « Templiers » admis dans la mystérieuse cohorte
lorsque leur nom apparaît mystérieusement sur la pierre, la lapis ex coelis , qui est ici l’aspect du Graal. Il n’y
a pas loin non plus de cette notion à l’élitisme qui préside à la constitution
de certains « ordres noirs » qui ont fâcheusement défrayé la
chronique au temps du nazisme hitlérien, en particulier la tristement célèbre S. S.
de l’énigmatique Heinrich Himmler, dont l’attirance pour les sciences occultes
n’est pas une invention et dont le but avoué était la reconstitution d’un ordre
chevaleresque du Graal dans une Allemagne régénérée par la race pure, celle qui
aurait eu pour mission, après les fournaises infernales des batailles sanglantes
et des fumées des fours crématoires, de livrer la terre aux seuls êtres
capables de gérer le monde aux yeux d’une Divinité à la fois absente et omniprésente.
Le comte Dracula, quand on y réfléchit, est un initié de l’Ordre Noir, et Bram
Stoker savait très bien ce qu’il disait à son propos, lui qui avait côtoyé
Aleister Crowley sans qui Hitler n’eût jamais été ce
qu’il a été . Et il est évident que l’Ordre du Dragon, créé par l’empereur
Sigismond, dont le nom est mêlé à des rituels de régénération par le sang, est
l’équivalent de ces multiples « ordres noirs » qui ont laissé des
souvenirs à la limite du supportable dans la mémoire de l’humanité.
Cela touche inévitablement le rôle des sociétés dites
secrètes qui, à toutes les époques, ont été répandues à travers le monde entier,
dont certaines ont pu bénéficier d’un réel pouvoir de décision sur les
destinées de l’humanité, et dont d’autres, très nombreuses, n’ont guère été que
des conclaves plus ou moins fermés où s’exprimaient des fantasmes de domination
par le biais de soi-disant magies opératives, qu’elles fussent « blanches »
ou « noires ». On sait très bien que les ordres chevaleresques sont, par
définition, des groupes initiatiques où n’importe qui ne peut être admis :
l’adhésion à de tels groupements s’accompagne en effet de redoutables
engagements, lesquels ne souffrent aucune entorse à la règle librement et consciemment
acceptée. Par la suite, bon nombre de ces ordres sont devenus purement
honorifiques, comme le sont devenus les titres nobiliaires des ci-devant aristocrates
des sociétés d’ancien régime. Mais un ordre comme celui du Dragon en Roumanie –
on pourrait en dire autant de l’ordre britannique de la Jarretière qui fait
suite à un ordre avorté de la Table Ronde, ou encore de l’ordre de la Toison d’Or
de Philippe de Bourgogne, ou de l’ordre de l’Hermine du duc Jean IV de
Bretagne – a toujours été, du moins dans sa constitution, une société de type
initiatique ayant pour but le maintien de certaines traditions et la poursuite
d’une mission sacrée héritée de la nuit des temps.
C’est pourquoi il convient de prendre très au sérieux cet
Ordre du Dragon auquel appartenaient Vlad III et Vlad IV de Valachie,
et auquel appartiendra, qu’on le veuille ou non, ne serait-ce que par ses
armoiries de famille, deux siècles plus tard, la célèbre et sanglante comtesse
Erzébeth Bathory. En dehors de toute signification métaphysique ou ésotérique, le
symbole du Dragon est en effet un élément essentiel de puissance et de domination
par le sang. Le mythe de Siegfried-Sigurd est là pour nous le prouver, et il
sera nécessaire d’y revenir en détail. Le Dragon est une image, l’image d’un chef tout-puissant qui est le témoignage d’un
lien entre l’humanité et les
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