L'énigme des vampires
entités divines quelles que soient
celles-ci, bénéfiques ou maléfiques. C’est dans ce sens qu’il convient d’examiner
le nom, ou plutôt le surnom du roi des Bretons, le fameux Uther Pendragon, prince
sanguinaire s’il en fut et néanmoins géniteur – adultère – du roi de cohésion
et de fraternité que représente Arthur, initiateur de la Table Ronde sous l’inspiration
directe du prophète-enchanteur Merlin, lui-même fils d’un diable et d’une
sainte femme, donc maître de la magie noire et blanche , l’une n’allant pas sans l’autre. Littéralement,
Uther Pendragon veut dire – dans la formulation la plus commune : « Uther
à la tête de Dragon [39] », ce qui est
révélateur de la connotation qu’on veut apporter à la puissance temporelle, morale
et spirituelle du personnage, roi de type sacré, conquérant sans doute, mais
aussi mainteneur d’une tradition plus ou moins ésotérique. Et il est curieux de
constater que, dans certains groupes néo-celtiques contemporains, le druide ou
le grand druide porte le titre flatteur de « pendragon ». On ne peut
pas douter un seul instant que le terme Dracula ait été une marque d’honneur – et donc d’obligation – donnée à des chefs qui
avaient une mission redoutable à accomplir au sein d’une confrérie sanglante , une sorte de confraternité du sang, ce
qui est caractéristique des sociétés guerrières dites occultes, et qui le sont
nécessairement par les rites et les buts non avoués qu’elles véhiculent à
travers leur doctrine et leur « règlement ».
Donc Vlad IV, né en 1430, devint voevod de Valachie à
la mort de son père en 1455, à l’âge de vingt-cinq ans. Il est évident qu’en ce
milieu du XV e siècle, la Roumanie, telle
que nous la connaissons aujourd’hui, n’existait pas. Dans cette frange de l’Europe
orientale, aux confins de la mer Noire et du monde musulman, en l’occurrence ottoman , ce qui ne veut pas dire arabe, les clivages
étaient nombreux, et l’on pouvait seulement distinguer trois principautés
constituant de vagues entités politiques : la Valachie, la Moldavie et la
Transylvanie. Et ces trois principautés relevaient de l’autorité incontestée de
la Sublime Porte, autrement dit du sultan de Constantinople, maître du puissant
Empire ottoman, affirmant la primauté des Turcs, ces Asiates des steppes
convertis à l’Islam et devenus maîtres des débris orientaux de l’Empire
byzantin. Aussi les ethnies de ces territoires étaient-elles fort disparates :
aux éléments turcs se superposaient des peuples slaves, pour la plus grande
majorité, mais aussi des groupes magyars, héritiers des Huns, des tribus
germaniques expatriées de Saxe, des Latins, lointains descendants des colons
romains établis en Dacie – lesquels ont donné à la Roumanie actuelle son nom et
son langage –, des Grecs et des Thraces véhiculant les résidus de la culture
hellénistique. Cela explique que les religions s’interpénétraient de la même
façon : l’Islam, bien sûr, mais aussi le christianisme grec orthodoxe
résultat du schisme du XI e siècle, et le
catholicisme romain toujours vivace malgré les persécutions. Un siècle plus
tard, le protestantisme, surtout parmi les éléments hongrois de la population, se
fera sentir de façon durable. C’est donc une vieille terre de traditions, mais
de traditions et d’idéologies fort diverses. Et c’est dans cette terre que Vlad IV
fera sentir le poids de son autoritarisme et de sa tyrannie autant sanguinaire
que patriotique, au sens actuel du terme.
Les chroniques du temps décrivent Vlad IV comme une
sorte de géant aux cheveux roux, doué d’une résistance physique peu commune, avec
des yeux qu’on jugeait pleins de ruse et de férocité, dans un visage hirsute
encadré d’une barbe abondante. Mais le portrait qu’on a conservé de lui, qui se
trouve au Kunsthistorisches Museum de Vienne, après avoir appartenu à Ferdinand
de Habsbourg, nous le présente sans barbe : par contre, il est affublé d’une
moustache abondante et très noire, et ses yeux sont effectivement d’une cruauté
sans limites. Et son sceau, conservé également à Vienne, porte l’inscription :
« Vlad voevod par la grâce de Dieu, prince de Ungro Valachine ». Car,
comme tous les princes de l’époque – attitude qui est loin d’être oubliée par
les divers dictateurs de l’ère moderne ! – Vlad IV prétendait agir au
nom de Dieu
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