L'énigme des vampires
pour la délivrance du peuple chrétien dans une sorte de « guerre
sainte » contre les infidèles, contre ceux qui ne partageaient pas la même
foi que lui. On peut se poser la question : avait-il une foi ? La
réponse est affirmative : il avait la foi, mais
en lui-même et en rien d’autre, et la prétendue guerre sainte qu’il
entreprenait, officiellement contre les Turcs idolâtres (?), n’était rien moins
qu’une tentative pour unifier les diverses principautés qui s’étalaient des
Carpates à la mer Noire.
La meilleure preuve en reste son attitude envers les autres
princes chrétiens de la Roumanie actuelle. Son
premier acte, quand il devint voevod, fut de convoquer dans son château les
deux princes des pays voisins, Peter de Transylvanie et Alexis de Moldavie. Ceux-ci,
pensant que le voevod de Valachie désirait discuter avec eux de la meilleure
façon de se débarrasser des Turcs musulmans, répondirent avec empressement à
son invitation. Ils durent déchanter quand ils entendirent Vlad IV leur
proposer tout simplement de remettre leur pouvoir entre ses propres mains à lui.
Et le voevod de Valachie d’affirmer, sans souffrir la moindre objection, qu’il
était le seul et unique homme capable de diriger cette vaste fédération. Évidemment,
cette fédération consistait pour lui à annexer purement et simplement la
Transylvanie et la Moldavie. Et pour mieux recueillir la parole qu’il attendait,
Vlad conduisit ses deux hôtes à une fenêtre qui donnait sur une cour : dans
cette cour, étaient plantés deux pieux, autrement dit deux pals, la pointe en l’air.
Et Vlad, sans plus de délicatesse, leur révéla que ces deux pieux leur étaient
destinés s’ils refusaient l’honnête proposition qu’il leur faisait.
Peter de Transylvanie avait du courage, et aussi le sens de
la mission qui lui incombait en tant que voevod. Il répondit immédiatement :
« Je ne cède mon pouvoir à aucun homme. » Quant à Alexis de Moldavie,
peut-être beaucoup moins fier mais conscient du danger qu’il encourait, il se
contenta de baisser la tête en signe de soumission. Alors, Vlad fit un signe :
des gardes surgirent et s’emparèrent de Peter, malgré une violente résistance
de celui-ci, et l’entraînèrent dans la cour. Ainsi, Alexis de Moldavie put-il
voir, sans dire un mot mais probablement terrifié, le supplice du malheureux
Peter qui avait, au nom de sa liberté de conscience, refusé l’usurpation de
Vlad. Maintenant, celui-ci était le maître absolu de ce territoire qui
correspond à peu près à la Roumanie d’aujourd’hui. Certains historiens ont même
considéré Vlad IV comme le premier roi de Roumanie, mais lui-même n’a
jamais revendiqué ce titre. Ce qu’il lui fallait, c’était le pouvoir : il
l’avait, il en usa et en abusa, sous prétexte de faire régner l’ordre et la loi.
Les trois principautés étaient en effet infestées de brigands de toute espèce et
les autorités locales étaient soit impuissantes à les contrer, soit de
connivence avec eux. Vlad envoya ses troupes à travers le pays avec mission de
se débarrasser des bandits par tous les moyens, intimidation et violence. En
fait, la plupart des brigands – et tous ceux, malfaiteurs ou non, qui faisaient
mine de s’opposer au voevod – furent livrés au pal, instrument de supplice
préféré de Vlad, ce qui lui fit bientôt mériter le surnom de Tepes, c’est-à-dire
d’empaleur.
La terreur que faisaient régner les bandits dans les campagnes
n’était rien en comparaison de celle qu’imposèrent les soldats de Vlad Tepes. Partout,
dans les villages, ou aux carrefours, des pals étaient dressés, sur lesquels
pourrissaient des cadavres déchiquetés par les oiseaux de proie. Dans ces conditions,
l’épuration et la mise au pas de la population furent achevées en quelques mois :
les bandits et les dissidents qui avaient échappé au pal s’étaient réfugiés
dans les principautés voisines. Et dans cette population obéissante, parsemée
de fonctionnaires devenus subitement honnêtes et dévoués, Vlad se livra à une
conscription obligatoire : tous ceux qui présentaient des qualités
physiques suffisantes étaient enrôlés de force dans les armées du voevod. De
plus, Vlad fit en sorte de grouper autour de lui un corps d’élite composé des
meilleurs combattants qu’il envoyait s’entraîner dans les forêts et dans les
montagnes les plus inaccessibles, à l’abri des agents et
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