L'énigme des vampires
plupart
d’entre elles ne ressortaient jamais plus de la sinistre forteresse.
On a probablement fort exagéré les récits concernant les
supplices infligés à ces innocentes jeunes filles par la comtesse Bathory et
ses âmes damnées. Mais il en est de suffisamment établis pour se faire une idée
de l’atmosphère malsaine et macabre qui régnait dans les souterrains du château
de Csejthe. Les filles étaient frappées avec violence. Certaines avaient le cou
percé selon la plus pure tradition vampirique. D’autres étaient liées avec des
cordes qu’on tordait ensuite afin qu’elles puissent s’enfoncer dans les chairs,
ce qui permettait de leur ouvrir les veines et de faire jaillir le sang sur la
comtesse. On prétend même qu’on remplissait parfois des baignoires de sang et
qu’Erzébeth s’y baignait avec ravissement. Mais comme sa peau délicate ne
supportait pas d’être essuyée avec des serviettes, ce sont d’autres filles qui
devaient la débarrasser du sang en lui léchant tout le corps avec leurs langues.
Celles qui, ne supportant pas une telle horreur, s’évanouissaient, étaient
ensuite sévèrement châtiées avant de servir de victimes à leur tour. On imagine
aisément le contexte érotique de ces rituels. Selon certaines sources, toujours
quelque peu discutables, certaines de ces jeunes filles finissaient leur vie
dans le lit même de la comtesse. Erzébeth faisait venir les filles qui lui
plaisaient le mieux et s’abîmait avec elles des nuits entières dans des embrassements
– et des embrasements – homosexuels, avant de les mordre cruellement, parfois
jusqu’à la mort. On comprend que de telles relations aient pu intéresser au
plus haut point un spécialiste de l’érotisme dans la souffrance comme l’a été
Georges Bataille, et aussi inspirer un certain nombre de films plus ou moins
érotiques, mais parfaitement sadiques.
Il y a aussi la fameuse « Vierge de Fer ». Est-ce
une légende ? Actuellement, cet automate monstrueux peut encore être vu au
château de Riegersburg, en Styrie. Est-ce celui dont, paraît-il, se servait la
comtesse Bathory ? Il s’agissait d’une statue de bois articulée, avec des
mécanismes de fer, en forme de femme. Image de la déesse cruelle qu’adorait
Erzébeth ? Peut-être. Ce qu’il y avait de terrible dans cet automate, c’était
les pointes acérées qui pouvaient transpercer les corps qu’on soumettait à l’étreinte
de la « Vierge ». Car il est possible que des filles aient été ainsi
livrées à la Vierge de Fer : les bras de celle-ci se refermaient sur le
jeune corps et le pressaient de plus en plus contre les pointes acérées, permettant
au sang de couler en abondance, sous les yeux d’Erzébeth et de celles qui
partageaient obligatoirement ses infernales jouissances. La comtesse Bathory
eût certainement été très à l’aise dans l’élaboration d’un Musée des Tortures. Et
même si cette histoire de Vierge de Fer est une légende racontée après coup, l’anecdote
reste néanmoins significative : toute la vie d’Erzébeth était imprégnée de
sang, parce que le sang, c’est la vie .
Cependant, même si l’on est un personnage considérable, même
si l’on est apparenté aux plus nobles familles de Hongrie, de Roumanie et du
Saint-Empire, même si l’on prend des précautions pour éviter que les langues se
délient, de telles manœuvres ne passent pas inaperçues. On n’empêche pas certaines
personnes de murmurer. On n’empêche pas les allusions, et ces allusions se
colportent de village en village. Trop, c’est trop… Des rumeurs incroyables
parvinrent jusqu’à la cour de Vienne, et les autorités ecclésiastiques, sentant
qu’il y avait sans doute des pratiques relevant de l’hérésie ou du paganisme, commencèrent
à se livrer à de discrètes enquêtes. Mais comment faire pour savoir la vérité, alors
qu’en principe, la belle comtesse Bathory était insoupçonnable et « intouchable » ?
Évidemment, personne n’osait porter officiellement plainte, pas
même les parents des jeunes filles disparues qui craignaient trop les
représailles, y compris celles de forces diaboliques qu’on disait être au
service de la comtesse. Les Bathory et les Nàdasdy étaient bien trop puissants…
Mais cela n’empêcha nullement le roi Matthias de Hongrie de prendre l’affaire
en main. Convaincu, par certains témoignages, que l’héritière des Bathory était
coupable de crimes de
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