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L'énigme des vampires

L'énigme des vampires

Titel: L'énigme des vampires Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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donne à un autre, avec cette différence essentielle que
dans l’acte d’amour, le don est mutuel, et non plus à sens unique.
    À cette interprétation du pacte, Rudolf Steiner ajoute une réflexion
qui est à prendre très au sérieux : « Tout ce qui nous est parvenu
des légendes et des mythes populaires au sujet de la vie humaine doit se
transformer aujourd’hui d’après nos conceptions et notre mentalité. L’époque
est passée où l’on considérait simplement les légendes, les contes et les
mythes comme l’expression puérile de l’imagination populaire. L’époque est également
passée où une érudition simpliste prétendait que, dans la légende, c’était l’âme
du peuple qui s’exprimait d’une façon poétique… Quiconque a observé l’âme
populaire sait fort bien que, chez le peuple, il ne s’agit ni de poèmes, ni de
rien de semblable, mais de quelque chose de beaucoup plus profond… L’étude
sérieuse des fondements de ces mythes et légendes nous en apprend plus long, bien
plus long que ce que nous dit la science intellectuelle et expérimentale d’aujourd’hui. »
Et pour mieux comprendre ce problème du sang, lié à celui du vampirisme et de l’amour,
il est indispensable de recourir une fois de plus aux légendes traditionnelles.
    Il s’agit, en l’occurrence, d’un court récit irlandais du Moyen
Âge, appartenant au cycle d’Ulster, l’ Histoire de Derbforgaille [93] .
La jeune Derbforgaille, qui est une de ces nombreuses femmes-fées de la
mythologie celtique, est tombée amoureuse du héros Cûchulainn, « à cause
des belles histoires qu’on racontait sur lui. Elle et sa servante partirent de
l’est, sous forme de deux cygnes, et arrivèrent au Lac Cuan, reliées entre
elles par une chaîne d’or. Là, se trouvent Cûchulainn et son frère de lait
Lugaid. Ils décident de tirer sur les oiseaux, et en excellent manieur de
fronde qu’il est, « Cûchulainn jeta une pierre qui passa entre leurs côtes
et resta dans la poitrine de l’un d’eux ». Les deux cygnes reprennent
alors leur forme humaine, et la fille blessée fait de violents reproches à
Cûchulainn en ajoutant : « C’est vers toi que je venais. »
Cûchulainn reconnaît ses torts. « Là-dessus, il suça le flanc de la fille
jusqu’à ce que la pierre sortît et vînt dans sa bouche avec le caillot de sang
qui était autour. » Mais la fille lui répète : « C’était pour
toi que je venais. » Alors Cûchulainn répond : « Ce n’est pas
possible, ô fille, je ne peux me joindre à un flanc que j’ai sucé. » Et, curieusement,
la fille blessée lui dit : « Alors, tu me donneras à celui que tu voudras. »
Aussitôt, Cûchulainn confie Derbforgaille à Lugaid. Et la fille conclut :
« Qu’il en soit ainsi pourvu que je puisse toujours te voir. »
    Cette aventure est bien étrange, non pas à cause de la
faculté qu’ont ces femmes-fées de se métamorphoser en oiseaux, pratique
courante dans le légendaire irlandais et qui renvoie aussi bien à Circé, la « tournoyante »,
qu’à Morgane, la « corneille », mais à cause de ce qu’elle implique
de croyances à propos du sang. Sur un plan sociologique, d’abord, c’est l’interdit
sur l’inceste : en absorbant le sang de Derbforgaille, Cûchulainn est
devenu le frère de celle-ci, non pas un frère de lait, mais un « frère de
sang ». Cela ressort autant des traditions exogamiques des Celtes, qui
bannissent toute union entre consanguins, que de la pratique de l’ affrèrement , pratique très répandue dans toutes les
civilisations anciennes, y compris dans les sociétés guerrières. Boire le sang
de l’autre, c’est conclure avec lui un pacte de fraternité définitive. Hérodote
( Histoires , IV, 70) décrit ainsi la cérémonie
de l’affrèrement chez les anciens Scythes : « Ils pratiquent des
incisions sur le corps des participants à l’aide d’un petit couteau ou d’un
glaive, et mélangent dans une grande coupe le sang recueilli avec du vin. Ils
trempent ensuite dans la coupe une épée, des flèches, une hache de guerre, un
javelot. Une longue incantation est prononcée, puis le mélange est bu, non
seulement par les intéressés, mais aussi par leurs partisans de haut rang. »
Les témoignages de cette sorte sont innombrables, aussi bien dans les sociétés
de l’Antiquité que chez les peuples qu’on dit « primitifs ». Et, par
certains côtés, cela rappelle la

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