L'ennemi de Dieu
éclairaient le
plafond orné d’étranges créatures, mi-femmes, mi-poissons. Nous avions posté
des lanciers à chaque porte et à chaque fenêtre pour être certains que personne
ne nous épierait.
Lancelot était
là et avait reçu l’autorisation de venir avec Dinas et Lavaine. Les trois
hommes persistaient à croire qu’ils avaient été bien avisés de faire la paix
avec Cerdic, mais Meurig était le seul à leur donner raison. À notre colère,
ils opposaient un air maussade et provoquant. Arthur écouta un moment nos
protestations, puis nous coupa la parole pour dire qu’on ne résoudrait rien en
discutant du passé : « Ce qui est fait est fait, déclara-t-il. Mais j’ai
besoin d’une assurance. » Il regarda Lancelot droit dans les yeux : « Jurez-moi
que vous n’avez fait aucune autre promesse à Cerdic.
— Je lui
ai offert la paix et lui ai suggéré de vous aider à combattre Aelle. C’est
tout. »
Merlin s’était
assis sur le rebord de la fenêtre. Il avait adopté l’un des chats errants du
palais et câlinait maintenant l’animal confortablement installé sur ses genoux.
« Que
désirait Cerdic ? demanda-t-il d’une voix douce.
— La
défaite d’Aelle.
— Rien
que ça ? demanda Merlin sans dissimuler son incrédulité.
— Rien
que ça, insista Lancelot, rien de plus. »
Nous avions
tous les yeux braqués sur lui : Arthur, Merlin, Cuneglas, Meurig,
Agricola, Sagramor, Galahad, Culhwch et moi. Personne ne dit mot. « Il ne
voulait rien de plus ! répéta Lancelot, de l’air d’un gamin surpris en
flagrant délit de mensonge.
— Comme c’est
étrange de voir un roi si peu gourmand », observa placidement Merlin.
Il se mit à
taquiner le chat en agitant entre ses griffes l’une des tresses de sa barbe. « Et
vous, que désiriez-vous ? demanda-t-il de la même voix douce.
— La
victoire d’Arthur, assura Lancelot.
— Parce
que vous croyiez qu’Arthur était incapable de vaincre tout seul ? suggéra
Merlin sans cesser de jouer avec le chat.
— Je
voulais rendre sa victoire certaine. J’essayais de l’aider ! »
Il balaya la
pièce du regard en quête d’alliés, mais ne trouva d’appui qu’auprès du juvénile
Meurig : « Si vous ne voulez pas de la paix avec Cerdic, lança-t-il
avec irritation, pourquoi ne pas le combattre tout de suite ?
— Parce
que, Seigneur Roi, vous vous êtes servi de mon nom pour obtenir sa trêve,
répondit Arthur patiemment, et parce que notre armée est maintenant à de
longues marches de notre terre et que ses hommes sont en travers de notre
route. Si vous n’aviez pas conclu la paix, expliqua-t-il, sans se départir de
sa courtoisie, la moitié de son armée serait à la frontière à regarder vos
hommes et j’aurais été libre de marcher dans le sud pour attaquer l’autre
moitié. C’est aussi simple que cela ! fit-il dans un haussement d’épaules.
Que va nous demander Cerdic aujourd’hui ?
— De la
terre, répondit Agricola d’une voix ferme. Les Saxons ne pensent qu’à ça. De la
terre, encore de la terre, toujours de la terre. Ils ne seront satisfaits que
lorsque plus aucune parcelle au monde ne leur échappera, et encore se
mettront-ils alors en quête d’autres terres à placer sous leurs charrues.
— Il
devra se contenter des terres qu’il a prises à Aelle, trancha Arthur, car il n’obtiendra
rien de nous.
— C’est
nous qui devrions lui en reprendre, fis-je en intervenant pour la première
fois. La terre qu’il a volée l’an passé. » Une belle étendue de terre
arrosée sur notre frontière sud, une terre fertile et riche qui allait des
landes jusqu’à la mer. Cette terre avait appartenu à Melwas, le vassal des
Belges, le roi qu’Arthur avait exilé à Isca. Et cette terre nous faisait cruellement
défaut car elle rapprochait dangereusement Cerdic de Durnovarie. Et, par la
même occasion, ses navires n’étaient qu’à quelques minutes d’Ynys Wit, la
grande île qui se trouvait au large de nos côtes et que les Romains avaient
baptisée Vectis. Depuis un an, les Saxons de Cerdic y multipliaient les razzias
et ses habitants ne cessaient de réclamer à Arthur davantage de lanciers pour
protéger leurs biens.
Sagramor me
donna raison : « Il nous faut récupérer cette terre. » Il avait
remercié Mithra de lui avoir rendu sa belle Saxonne saine et sauve en plaçant
une épée prise à l’ennemi dans un temple du dieu à Londres.
« Je
doute,
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