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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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sur elle un charme redoutable. Et assurément l’esclave
saxonne ainsi maudite par le druide devait être connue comme le loup blanc. Et
elle l’était.
    Je la
retrouvai sur la côte, dans un minuscule village, où les femmes faisaient du
sel tandis que les hommes attrapaient du poisson. Les villageois reculèrent en
voyant les boucliers peu familiers de mes hommes, mais je me glissai dans l’un
de leurs bouges où un enfant apeuré me montra du doigt la maison de la Saxonne :
une petite chaumière perchée sur une falaise. En vérité, ce n’était même pas
une chaumière, mais une cabane sommaire faite de débris de navires naufragés et
recouverte d’un toit de paille et d’algues. Un feu brûlait devant la maison et une
douzaine de poissons fumaient au-dessus de ses flammes, tandis qu’une fumée
plus suffocante encore s’élevait des feux de charbon allumés sous les auges de
sel au pied de la falaise. Je laissai ma lance et mon bouclier au pied de l’à-pic
pour m’engager sur le sentier escarpé. Un chat se hérissa en me montrant les
dents lorsque je me glissai dans la cabane.
    « Erce ?
Erce ? » appelai-je.
    Quelque chose
se leva dans la pénombre. Une forme sombre et monstrueuse qui se défit de
couches de peaux et de haillons pour me dévisager. « Erce ? C’est
toi, Erce ? »
    Qu’attendais-je
donc ce jour-là ? Je n’avais pas vu ma mère depuis plus de vingt-cinq ans,
depuis le jour où les lanciers de Gundleus m’avaient arraché à ses bras et m’avaient
remis à Tanaburs pour être sacrifié dans la fosse de la mort. Erce avait hurlé
quand on m’avait arraché, puis on l’avait conduite en esclavage en Silurie, et
elle avait dû me croire mort jusqu’au jour où Tanaburs lui avait révélé que je
vivais encore. L’esprit fébrile, tandis que je traversais les vallées
encaissées de la Silurie, j’avais imaginé je ne sais quelles embrassades avec
force larmes. Le pardon et le bonheur.
    Et c’est une
femme immense, la tête blonde grisonnante de crasse, que je vis s’extraire d’un
enchevêtrement de peaux et de couvertures pour me dévisager d’un air méfiant en
cillant. C’était une créature énorme, un gros tas de chair en décomposition,
avec un visage aussi rond qu’un bouclier, mais pustuleux et balafré, et de
petits yeux durs injectés de sang. « C’est ainsi qu’on m’appelait jadis »,
fit-elle d’une voix rude.
    Je sortis de
la cabane, suffoqué par son odeur de pisse et de pourriture. Elle me suivit,
rampant pesamment à quatre pattes pour cligner des yeux au soleil. Elle était
vêtue de guenilles. « Es-tu Erce ? demandai-je à nouveau.
    — Autrefois,
dit-elle dans un bâillement, révélant une bouche ravagée et édentée. Il y a
bien longtemps. Aujourd’hui, on m’appelle Enna. Enna la folle, reprit-elle
tristement après un temps de silence, puis elle examina mes beaux vêtements, ma
riche ceinture et mes grandes bottes. Qui êtes-vous, Seigneur ?
    — Derfel
Cadarn, Seigneur de Dumnonie. » Mais le nom ne lui disait rien. « Ton
fils. »
    Elle ne trahit
aucune réaction, mais s’adossa au mur de sa cabane qui vacilla dangereusement
sous son poids. Elle fourra une main sous ses haillons et se gratta la poitrine :
« Tous mes fils sont morts.
    — Tanaburs
m’a pris pour me lancer dans la fosse de la mort. »
    Apparemment, l’histoire
ne lui disait rien. Affalée contre le mur, son corps énorme se soulevait à
chacune de ses laborieuses respirations. Jouant avec le chat, elle avait les
yeux fixés sur la mer de Severn, où l’on devinait au loin la côte dumnonienne
qui formait une ligne noire sous une rangée de nuages chargés de pluie. « J’ai
eu un fils autrefois, dit-elle enfin, qui a été donné aux dieux dans la fosse
de la mort. Wygga, il s’appelait Wygga. Un beau garçon. »
    Wygga ?
Wygga ! Ce nom si grossier et si laid me cloua le bec l’espace de quelques
secondes. « Wygga, c’est moi, dis-je enfin, prononçant ce nom qui me
faisait horreur. On m’a donné un nouveau nom après que j’ai été sauvé de la
fosse. »
    Nous parlions
saxon, langue dans laquelle j’étais désormais plus à l’aise que ma mère, car
cela faisait de longues années qu’elle ne l’avait plus parlée.
    « Oh, non ! »
fit-elle, fronçant les sourcils. Je vis un pou se promener au bord de sa
chevelure. « Non ! Wygga n’était qu’un petit garçon. Rien qu’un petit
garçon. Mon premier né, et ils

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