L'ennemi de Dieu
étonnant
qu’il soit si maigre.
— Tes
trois femmes te réussissent plutôt, fis-je en lui enfonçant mon doigt dans sa
forte poitrine.
— Je les
choisis pour leurs talents culinaires, non pour leur apparence.
— Tu as
quelque chose à dire, Seigneur Culhwch ? demanda Arthur.
— Rien,
cousin ! répondit-il d’un air enjoué.
— Alors,
nous allons continuer. »
Arthur demanda
à Sagramor quelles chances nous avions de voir les hommes de Cerdic combattre
pour Aelle, et le Numide, qui avait gardé la frontière saxonne tout l’hiver,
haussa les épaules et répondit que tout était possible avec lui. Il s’était laissé
dire que les deux Saxons s’étaient rencontrés et avaient échangé des cadeaux,
mais personne n’avait fait état d’une alliance. À son avis, Cerdic ne serait
pas mécontent de voir Aelle affaibli, et pendant que l’armée dumnonienne serait
occupée il attaquerait le long de la côte pour s’emparer de Durnovarie. Meurig
revint à la charge :
« Si nous
faisions la paix avec lui...
— Nous n’en
ferons rien, dit le roi Cuneglas d’un ton courtois, et Meurig dut s’incliner
devant le seul roi présent.
— Encore
une chose, intervint Sagramor. Les Saïs ont des chiens, maintenant. De gros
chiens. »
Il tendit la
main pour indiquer la taille des chiens de guerre des Saxons. Nous avions tous
entendu parler de ces molosses et nous les redoutions. Le bruit courait que les
Saxons lâchaient les chiens quelques secondes avant le choc des murs de boucliers,
et que les bêtes étaient capables d’ouvrir des brèches dans lesquelles s’engouffraient
les lanciers ennemis.
« Je me
chargerai des chiens », promit Merlin. Ce fut son unique intervention,
mais son ton posé et assuré calma l’inquiétude de certains. La présence
inattendue de Merlin aux côtés de l’armée était déjà un atout, car la
possession du Chaudron faisait de lui, même pour de nombreux chrétiens, un
personnage au pouvoir plus redoutable que jamais. Non que beaucoup eussent
deviné à quoi pouvait bien servir le Chaudron. Ils étaient satisfaits que le
druide se fût déclaré prêt à accompagner l’armée. Avec Arthur à notre tête et
Merlin à nos côtés, comment pourrions-nous perdre ?
Arthur exposa
son dispositif de combat. Lancelot, commença-t-il, avec ses lanciers de Silurie
et un détachement de Dumnoniens garderait la frontière sud contre Cerdic. Nous
autres, nous nous réunirions à Caer Ambra pour marcher à l’est dans la vallée
de la Tamise. Lancelot laissa paraître quelque réticence à être ainsi coupé du
gros de l’armée qui affronterait Aelle, mais Culhwch, entendant les ordres,
hocha la tête, émerveillé.
« Une
fois de plus, il se dérobe, Derfel !
— Pas si
Cerdic l’attaque. »
Culhwch lança
un regard oblique à Lancelot, qui était flanqué par les jumeaux, Dinas et
Lavaine. « Et il reste près de sa protectrice, n’est-ce pas ? ajouta
Culhwch. Il ne doit pas trop s’éloigner de Guenièvre, sans quoi il est obligé
de marcher tout seul ! »
Je ne fis pas
attention. J’étais seulement soulagé de savoir que Lancelot et ses hommes ne
feraient pas partie de la grande armée. C’était bien assez d’affronter les
Saxons sans avoir à s’inquiéter en plus des petits-fils de Tanaburs et à
craindre de recevoir un coup de couteau dans le dos.
L’armée se mit
en marche. Une armée dépenaillée de contingents des trois royaumes bretons,
tandis que certains de nos alliés les plus lointains n’étaient pas encore
arrivés. On nous avait promis des hommes d’Elmet et même du Kernow, mais ils
nous suivraient sur la voie romaine qui menait de Corinium, au sud-est, à
Londres, dans l’est.
Londres. Les
Romains l’avaient baptisée Londinium. Auparavant, elle s’appelait tout
simplement Londo, ce qui veut dire « lieu sauvage », m’avait expliqué
Merlin. Telle était notre destination. La grande cité d’autrefois, qui avait
été jadis la plus grande de toute la Bretagne romaine, et qui se décomposait
maintenant au milieu des terres volées par Aelle. Sagramor y avait fait une
fois une fameuse incursion et avait trouvé sa population bretonne accouardie
par ses nouveaux maîtres. Mais maintenant, nous espérions bien les reconquérir.
Cet espoir se répandit comme un feu grégeois à travers l’armée, bien qu’Arthur
n’ait cessé de rappeler que tel n’était pas notre objectif. Notre tâche,
expliqua-t-il,
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