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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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manquait à la splendeur de la fête, ni le temps radieux, ni la joie populaire.
    Les visiteurs furent solennellement accueillis et conduits en cérémonie à droite du chœur dans le jubé de la chapelle de Saint-Denis. La messe où officiait Leclerc de Juigné, archevêque de Paris, abonda en magnificences de toutes sortes, recueillement et musique. La comtesse finit par admettre que toute cette pompe catholique avait quelque chose d’imposant et qui parlait à l’âme.
    À la sortie, le couple impérial distribua une somme considérable, destinée aux enfants trouvés et aux pauvres. Le prince Kourakin confia à Nicolas que leur bienfaisance était inépuisable et qu’aucune demande, fût-elle considérable, ne leur était en vain présentée. Ils sortaient chaque jour avec des bourses pleines de louis et, au retour, il n’en restait plus. C’était en fait la volonté de l’impératrice et sesenfants n’étaient que trop heureux d’y déférer sans souci d’économie.
    Nicolas demanda au prince la permission de se retirer, le couple impérial étant prié à dîner chez Mme de Benckerdorff avant d’aller visiter la manufacture royale des Gobelins et recevoir des tapisseries offertes par le roi. Il se faufila dans la masse de la foule pour rejoindre, par les rues de la Lanterne et de la Juiverie, le pont Notre-Dame et gagner le Grand Châtelet depuis le quai de la Mégisserie. Sous le porche, il trouva Bourdeau qui faisait monter dans un fiacre un homme hâve et défait dans lequel il reconnut le M. Smith de l’ambassade américaine. Nicolas se joignit à l’expédition qui partait pour l’hôtel de police. Rien ne vint troubler le silence profond qui s’appesantit tout au long d’un parcours constamment ralenti par les processions et cérémonies religieuses que chaque paroisse de la ville avait organisées. Nicolas entendit Bourdeau qui, tout bas, maugréait contre ces capucinades .
     
    Chez Le Noir, ils furent aussitôt introduits. Le lieutenant général de police siégeait l’air sévère derrière son bureau. Il fit un signe de connivence à Nicolas avant de prendre la parole.
    — Monsieur, vous avez été arrêté à La Rochelle alors que vous tentiez d’embarquer sur un navire marchand muni d’un passeport apparemment véridique au nom de James Galbraith, né à Philadelphie en 1738. Or vous m’avez été présenté, il y a quelques jours, par votre ambassadeur, M. Franklin, sous le nom de Smith. J’ajoute que vous êtes mêlé de près ou de loin, la chose est à éclaircir, à une affaire criminelle. À tout cela, déjà lourd, s’ajoute le fait qu’étant entré dans le royaume sousle nom de Smith, prétendument banquier, vous m’avez été désigné comme attaché de l’ambassade américaine chargé, semble-t-il, d’obscures négociations avec l’empire russe. Monsieur, qu’avez-vous à répondre à tout cela ?
    L’homme leva la tête. Nicolas remarqua son teint blafard et la barbe déjà grise qui avait poussé.
    — Je n’ai rien à dire. Je veux voir mon ambassadeur.
    — Mais voilà une demande qui me paraît raisonnable, dit Le Noir sarcastique. La rencontre est imminente. Dès que j’ai su votre arraisonnement , M. de Vergennes a été prévenu et m’a prié de traiter cela en son nom avec M. Benjamin Franklin. Il a été invité à me rencontrer et nous l’attendons. Aussi monsieur Smith ou Galbraith, peu importe, nous sommes sur le point de vous entendre.
    Le même silence que dans le fiacre tomba sur l’assemblée. Bourdeau présenta les papiers saisis sur le prisonnier. Outre son passeport qui précisait qu’il était mandaté en mission par le Congrès américain et des lettres personnelles, se trouvait un fort ensemble de feuilles portant des chiffres et des numéros qui ressemblaient aux indications portées sur le carnet appartenant au comte de Rovski.
    Peu après, le bruit d’une voiture sur le pavé de la cour annonça l’arrivée du ministre américain. Un pas claudicant s’approchait, scandé du choc d’une canne sur le marbre de l’escalier. Enfin le laquais ouvrit la porte et annonça le représentant du Congrès. Franklin s’arrêta sur le seuil ; il semblait essoufflé. Il regarda l’assemblée au travers de ses besicles et ne put dissimuler un mouvement de surprise en reconnaissant son compatriote.
    — Monsieur Le Noir, dit-il en saluant l’assistance,que me vaut cet appel de vous valant convocation ? Je croyais avoir appris de

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