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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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prétendu. Il les avait trouvés suspects et souhaitait recevoir mon avis. Après examen, j’ai estimé que sa suspicion était légitime et que la pièce était fausse. Or hier, lors d’un repas de corps, j’ai conté l’affaire à un mien confrère. Excusez du peu ! Le joaillier de la couronne, mon estimé ami M. Böehmer.
    Nicolas sourit intérieurement. Le pauvre M. Koegler eût été bien navré d’apprendre que, pour M. Böehmer, les orfèvres du Pont-au-Change n’étaient que de vulgaires trébucheurs .
    — M. Böehmer s’est montré intéressé par mon récit et m’a conté qu’un commissaire de police au Châtelet l’avait récemment consulté sur le même sujet. La pièce qu’il m’a décrite correspondait en tous points à celle que l’homme m’avait présentée. Nous avons jaboté un bon moment sur la question, évoquant les incidents du passé quand, à plusieurs reprises, les ennemis du roi avaient tenté d’introduire de la fausse monnaie. C’est alors que M. Böehmer m’a indiqué que, pour le coup, tout cela paraissait mettre en cause des crocs russes. Je me souvins que mon visiteur, alors que je lui révélais sa mauvaise fortune, avait juré, tempêté et maudit entre ses dents, les foutus étrangers qui lui avaient fait ce coup, qu’il se vengerait et avait moyen de faire avec ce qu’il savait sur eux. Sur le moment je n’avais pas prêté attention à ces vociférations, mais la conversation avec M. Böehmer m’a mis à la puce à l’oreille. La falsification desmonnaies est un crime majeur et quand il se double de louches menées étrangères, il est du devoir d’un sujet fidèle et d’un bon citoyen d’en avertir qui de droit. Je m’en suis ouvert à M. Chéron qui m’a conseillé de vous consulter. Voilà, monsieur le commissaire.
    — Monsieur Koegler, vous avez agi sagement et nous vous remercions pour ce récit qui nous apporte beaucoup plus que vous ne pouvez l’imaginer. Maintenant je vois l’inspecteur Bourdeau sur les charbons, qui souhaite, je le sens, vous poser quelques questions.
    — Monsieur Koegler, auriez-vous l’obligeance de nous dresser le portrait de l’homme qui s’est adressé à vous pour ce louis ?
    — Certes oui, monsieur. Dans notre état nous avons l’œil bon et scrutateur. J’envisageai un jeune homme à la figure avenante, un peu muguet. Mais à bien le considérer mon impression fut tout à rebours. C’était là l’image qu’il voulait offrir de lui-même. Sa langue dorée l’était tout aussi peu que son louis ! Dans ce roquentin je soupçonnai alors un artisan et même je vous dirai de quel état. J’ai encore l’œil bon. Il avait force cheveux collés sur son habit et j’en déduisis qu’il travaillait comme coiffeur ou chez un fabricant de perruques.
    — Monsieur Koegler, dit Nicolas, votre perspicacité fait mon admiration. Nous devrions vous prendre comme surnuméraire au Châtelet. Auriez-vous un dernier élément à livrer à notre réflexion ?
    — Rien, répondit l’orfèvre, après un temps de réflexion, si ce n’est que le jouvenceau paraissait désespéré.
    Il allait se retirer quand Nicolas le retint.
    — Une dernière question. Pourriez-vous nous préciser à quelle date et, si possible, à quelle heure cet inconnu est venu vous consulter ?
    — La date ? Dans la quatrième semaine de mai, il me semble… Quant à l’heure de sa visite, la chose est nette. Nous avions une commande à achever et nous avons œuvré fort tard. Je dirais vers onze heures.
    — Merci de votre visite, monsieur Koegler.
     
    Nicolas fit dresser procès-verbal de la déposition de M. Koegler, qui fut reconduit avec tous les égards dus à son heureuse initiative.
    — J’espère, dit Bourdeau, que ton nageur en eaux glauques distingue mieux les choses.
    — De cette compendieuse mais riche contribution, je tire, comme lui sans doute, quelques certitudes et de nouvelles interrogations.
    — Va pour les certitudes.
    — L’interlocuteur de M. Koegler ne peut être que le jeune Richard Harmand que nous savons avoir été aux abois en raison de ses dettes. Il s’est rendu compte que ses louis étaient suspects. Il a voulu s’en assurer. Du récit du joaillier et de sa conversation avec M. Böehmer, il ressort que le jeune homme s’en est pris vivement à ceux qui l’avaient trompé.
    — En effet, il a employé un pluriel, je l’ai noté.
    — Des étrangers. Russes ? Américains ? Anglais ?

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