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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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louer mais qui, orphelin de père, faisait ainsi vivre sa mère et ses deux sœurs de son commerce clandestin. Le père Marie en prévint Nicolas, en lui recommandant une indulgence que l’urgence conseillait. Le véhicule offrait un train rouge à deux roues et, posée sur de longs ressorts, une caisse légère garnie de drap gris et recouverte d’une capote en cuir luisant. Le jeune homme avait la mine ouverte et se confondait en gentillesse. Il manifesta dans les rues étroites et dans les embarras une aisance remarquable ; la voiture devançant charrettes et fiacres, se faufila entre les carrosses et fila avec vélocité le long des bornes. Nicolas craignait à tout moment qu’on renversât un chaland car le cabriolet, moins bruyant, surgissait toujours à l’improviste. Le cheval risquait alors de ne pas pouvoir être détourné à temps. Mille doléances remontaient jusqu’au lieutenant général de police, demandant la proscription descabriolets, regardés comme dangereux pour la sécurité publique.
     
    À Fausses-Reposes, Nicolas résista à l’envie de s’arrêter pour saluer Aimée. Que n’avait-il livré lui-même son billet au lieu de charger Poitevin de le porter à la grande poste du Louvre ? Était-elle seulement là ? Parvenu à Versailles, il se fit conduire à l’Hôtel des Affaires étrangères. Il demanda à son cocher de l’attendre : la récompense serait le triple du tarif habituel. Bourdeau le guettait et l’entraîna à travers une enfilade de salons jusqu’à une salle particulière garnie de meubles à tiroirs sur lesquels s’accumulaient layettes et répertoires. M. Radot, commis expert dans les langues slaves, se mit à leur disposition.
    — Par quel texte voulez-vous que nous commencions, monsieur le marquis ?
    — Depuis quand cette correspondance dure-t-elle ?
    — Hélas ! Hélas ! Depuis des années, en fait depuis l’arrivée du prince Bariatinski comme ministre de Russie auprès de Sa Majesté.
    — Combien de messages depuis le début de l’année ?
    — Cinq ou six et, semble-t-il, fort brefs.
    — Le premier, à quelle date ?
    — Au départ, 6 février 1782.
    — Commençons donc.
    Furent disposés sur une grande table-bureau, orné d’un cuir bleu à liserés d’or, le livre, le napperon et le premier document en copie. M. Radot saisit la copie, l’aplatit et la lissa, puis il appliqua soigneusement le napperon dont la dimension correspondait très exactement à la surface du document. Il soupira et leva les yeux au ciel.
    — Hélas ! Hélas ! Cela ne correspond nullement. Voyez vous-même, aucune lettre n’apparaît dans les trous de la dentelle.
    — Il suffirait peut-être de mettre le napperon dans l’autre sens. Rien ne nous dit quel est le haut ou le bas.
    M. Radot considéra Bourdeau avec une réprobation non feinte. Il suivit pourtant le conseil de bon sens qui lui avait été donné.
    — Ah ! Voilà qui va beaucoup mieux. Hélas ! Hélas ! Mille pardons, monsieur l’inspecteur. Où avais-je la tête ?
    Bourdeau salua modestement au grand amusement de Nicolas.
    M. Radot s’était mis à transcrire les mots russes qui se révélaient au fur et à mesure de sa lecture. Puis il remit le tout au propre sur une feuille de papier qu’il tendit à Nicolas.
    C ouple ramiers mai ou juin .
    P référence pigeonnier propriété .
    R amier convaincu garçon d’écurie .
    L e 23 de mars 1782
    M. Radot se remit au travail et, pour le coup, traduisit l’ensemble des messages. Nicolas se plongea, intrigué, dans leur lecture.
    R amier en mai. I nsistance P igeonnier .
    C hien de garde en route .
    L e 18 d’avril 1782
     
    É talon cavalerie par mer.
    A ssurer surveillance.
    L e 8 mai de 1782

    S elle du cheval. H avresac.
    G rain à trier. É talon à maîtriser.
    L e 20 mai de 1782
    — Bon ! dit Nicolas, si nous possédions les réponses, cela faciliterait l’intuition.
    — Oui, dit Bourdeau, mais apparemment, s’il y en a eu, elles ont été transmises par un moyen qui nous est inconnu. Pourquoi ce langage codé doublement ?
    — Une dernière précaution pour le cas où le chiffrement serait traversé
    — Voyons, monsieur Radot, le dernier message de l’année 1781.
    Le commis se remit au travail et en tendit le résultat au commissaire.
    — Voilà, monsieur le marquis.
    S urveiller pigeon principal
    T rop proche ramiers.
    B ientôt recette pour soins voyage.
    L e 16 décembre de 1781
    — Nous vous

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