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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sommes très reconnaissants, monsieur Radot, de votre aide. Peut-être aurons-nous encore recours à votre service.
    Demeuré seul avec Bourdeau, Nicolas médita un long moment.
    — Je sais, Pierre, que cela est à la fois trop clair et bien obscur. Le clair est transparent et l’obscur ténébreux. Comme le pêcheur d’Anthèdon, nous nageons dans des eaux glauques.
    — Encore ! C’est du Noblecourt ? Qui est ce pêcheur-là que je ne connais point ?
    — Glaucos qui, selon la légende, fut changé en dieu marin.
    — Ils t’en contaient de belles, tes jésuites !
    — Et je leur en suis reconnaissant.
    — Que crois-tu tirer de cette histoire de pigeons et de chevaux ?
    — Allons, ne te fais pas plus obtus que tu n’es !
    Ils rirent.
    — Je pense que le couple de ramiers évoque le comte et la comtesse du Nord. Qu’instructions sont données à Nikita de surveiller tout d’abord l’ambassadeur, le pigeon principal , et ensuite l’étalon cavalerie par mer pourrait s’attacher au comte de Rovski, à surveiller lui aussi, y compris par la fouille de son bagage. Havresac et selle se rapportent à cela. Reste la question de l’étalon à maîtriser  ? Doit-on comprendre que c’est un ordre de le tuer ?
    — Et ce garçon d’écurie ?
    — Ne serait-ce pas Pavel, le maître d’hôtel ?
    — Tu as raison ! Que signifie alors la mention ramier convaincu garçon d’écurie ?
    — Peut-être qu’à l’autre bout, à Saint-Pétersbourg, on paraît être assuré que Pavel a obtenu la confiance du tsarévitch.
    — Ce qui n’était nullement le cas, nous le savons par les confidences du prince Paul. Je suis intrigué par la formule. Fais venir M. Radot.
    — Monsieur Hélas, hélas  ? Il me rappelle le duc de La Vrillière avec ses Comment, comment.
    L’intéressé fut interrogé sur la formule incertaine. Il s’envola aussitôt, affairé, pour revenir les bras chargés de dictionnaires et de traités de grammaire de langue russe. Au bout de cette consultation, il soupira.
    — Hélas ! Hélas ! Monsieur le marquis, j’ai faussement traduit, trop de hâte n’est-ce pas ? Il faut entendre que le ramier au contraire, comment dirais-je ? doute du garçon d’écurie .
    Alors qu’ils continuaient à commenter la teneur des messages, M. Radot soudain se leva, s’inclina et recula jusqu’à une pile de layettes qu’il faillit renverser mais qu’il retint d’une main tremblante. Nicolas et Bourdeau se retournèrent et découvrirent M. de Vergennes qui, avec la majesté qui lui était propre, contemplait la scène.
    — Alors messieurs, qu’en est-il de nos traversements  ?
    — D’abord, monseigneur, que Nikita Paline, majordome du prince Bariatinski, appartient soit à un groupe qui conspire contre le grand-duc Paul soit, plus assurément, à un service de secret de l’Empire russe. Il appert également de la traduction que le maître d’hôtel Pavel, assassiné à l’Hôtel de Lévi, émargeait lui aussi à des services et était chargé de surveiller le prince, mais celui-ci en avait été informé. Enfin, nous avons trouvé traces d’instructions concernant un étalon de cavalerie dans lequel nous reconnaissons le comte de Rovski, qu’il s’agissait de surveiller, de maîtriser et de fouiller.
    — Mes compliments. Quelle féconde moisson ! Mais ces services sont-ils les mêmes ou agissent-ils indépendamment les uns des autres ?
    — Aucun élément ne nous permet de le dire.
    Vergennes saisit au hasard sur une table une dépêche qu’il parcourut puis rejeta, semblant ainsi se donner le temps de méditer la suite.
    — Passez-moi, monsieur le marquis, que j’ai l’expérience des choses et des hommes. Pour lors vous sentirez comme moi que nous nous trouvonsau carrefour de plusieurs voies. Si par malheur ou méconnaissance nous nous engagions dans la mauvaise, les conséquences en seraient incalculables. Je me fie à votre sagesse, que garantit Sartine. Il s’y connaît en caractères et, au reste vous appuie depuis vingt ans, à ce qu’on m’a dit. Le roi lui-même… Enfin, faites au mieux, en évitant de susciter le trouble entre le royaume et l’empire russe. Après tout ce sont là affaires de Russes !
    Et le ministre quitta la scène aussi rapidement qu’il y était paru.
    — Eau bénite de cour ! grommela Bourdeau.
    Sans doute, songea Nicolas, toujours sensible à ce genre d’impalpables sentiments, Pierre s’est senti humilié

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