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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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que Vergennes ne lui ait prêté la moindre attention. Ah ! Comme trop souvent les grands perdent l’occasion de se gagner les cœurs et les âmes par l’oubli d’une simple politesse, même si celle-ci comprend trop souvent plus d’habitude et de vanité que de bienveillance.
    — Crois-tu que des instructions aient jamais servi à quelque chose ? Les ai-je jamais suivies ? Il faut continuer à aller de l’avant, quels que soient les risques encourus.
     
    Ils remercièrent M. Radot, tout émoustillé de l’aventure et, surtout, qu’un ministre soit descendu de son ciel empyrée, ce que, de mémoire de commis des Affaires étrangères, on n’avait jamais vu. Ils retrouvèrent le cabriolet dont le cocher astiquait les cuivres ; à grand train, il les reconduisit à Paris. Au Grand Châtelet, Nicolas lui donna son nom avec autorisation d’en faire état en cas de mauvaise passe avec l’autorité. Il lui conseilla de régulariser sa situation au plus vite car, s’il était saisi et arrêté, il perdrait toute ressource pour sa famille, sans parler des risques judiciaires qui suivraient. Le jeune homme se nommait Jean-Marie Péquin et demeurait rue de Thorigny, à l’angle de celle de la Perle.
    Midi avait depuis longtemps sonné et Bourdeau proposa d’aller manger un morceau chez son pays de Chinon qui tenait taverne mangeante rue du Pied-de-Bœuf.
    Ils y furent accueillis en familiers, conduits à une table tranquille et régalés d’un plat du pays de Tours, la beuchelle, qui mêlait rognons, ris de veau, champignons, petits oignons, crème et moutarde. Ce fut un régal dont ils se souviendraient et qu’ils arrosèrent d’abondance d’un vin de Cravant. Nicolas s’enquit des vignes de Bourdeau, dont la dernière vendange fut vantée. Le tenancier avoua vouloir acquérir d’autres lopins et fut gaiement traité de seigneur . Le lieu leur rappelait à tous deux les commencements de leur complicité.
    L’hôte refusa, pour une fois, de donner la manière de son plat, arguant qu’il s’agissait d’un secret de famille, que chaque Tourangeau avait la sienne et que des malédictions poursuivraient celui qui en trahirait les secrets. Il voulut bien concéder que la réussite du plat résidait dans les cuissons séparées des éléments, car chacun d’entre eux ne supportait pas la chaleur du potager de la même façon.
     
    Au bureau de permanence, le père Marie les informa qu’un vieil homme se disant orfèvre, M. Koegler, souhaitait les entretenir de la part de M. Chéron, commissaire du quartier du Louvre. Nicolas se frappa le front, ayant sursauté à l’énoncé du nom.
    — Je le connais ! Te souviens-tu, Pierre, de cette bague appartenant à Madame Adélaïde que j’avais soumise à l’examen d’un orfèvre, il y a vingt ans 64 . Je comprends qu’il s’agit maintenant d’un vieil homme ! Qu’on le fasse entrer.
    — Il ne te connaît pas. Et pour cause, tu t’étais déguisé pour cette consultation. Même le père Marie ne t’avait pas démasqué !
    Un vieux monsieur chauve entra, appuyé sur sa canne.
    — Je cherche monsieur le commissaire Le Floch, de la part de monsieur le commissaire Chéron.
    — Je vous écoute, monsieur Koegler. Il y a bien longtemps que nous nous sommes vus pour la première fois.
    Koegler se pencha pour examiner Nicolas de plus près. Il hocha la tête.
    — Vous faites erreur, monsieur, je ne vous remets point.
    — Il y a vingt ans, vous souvenez-vous qu’un vieillard est venu vous consulter au sujet d’une bague à fleur de lys ?
    — Mon Dieu, oui ! Malgré l’âge, la mémoire demeure. C’était donc vous ?
    — Pardonnez-moi, il y allait à l’époque d’une affaire d’État et je m’étais grimé pour en conserver le secret.
    — Je comprends. Hélas, monsieur, ce que j’ai à vous révéler me semble également grave pour l’État. Vous savez que je suis joaillier et expert de ma compagnie. On me consulte souvent, comme vous le fîtes vous-même, il y a vingt ans.
    Bourdeau, impatient, se mettait en mesure de faire accélérer le récit, mais Nicolas lui fit un signe de laisser aller M. Koegler.
    — … Et c’est ainsi qu’il y a quelques jours, il me serait difficile de préciser lequel, car sur le moment je n’ai guère prêté attention à la chose… Bref, un homme est venu me demander de juger du bon aloi de louis d’or qu’il venait de recevoir comme prix d’une vente. Enfin, c’est ce qu’il a

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