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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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autrichienne demeuraient les échos répétés d’un rejet général, que rien ne parvenait désormais à enrayer.
    — Mais, monsieur le marquis, que puis-je faire pour votre service ?
    — Je crains être venu vous trouver un peu tard. La reine donne un bal paré à Versailles le 8 juin.J’aimerais que mon fils et moi y paraissions à notre avantage. C’est-à-dire avec la perfection que votre art saura y apporter.
    Le teint blafard du tailleur se colora de plaisir.
    — Mon Dieu, monsieur le marquis, nous sommes justement débordés par cette occurrence-là ! Que n’êtes-vous venus plus tôt !
    Toutes les têtes s’étaient à nouveau dressées à l’écoute de la suite de la conversation. Un coup de canne les fit s’abaisser derechef dans un ensemble parfait.
    — «  Ce bon monsieur Vachon  »… Cependant, je ne peux me résoudre à vous abandonner. Tant pis si mes garçons doivent travailler la nuit.
    Il y eut un désordre dans le sage alignement des têtes, les unes s’étaient dressées, d’autres s’enfonçaient. Un raclement de gorge du maître y remit bon ordre.
    — Voyons, c’est un bal paré à ce que j’ai appris. Grand habit de cour pour les dames, sauf pour celles qui danseront et seront en domino blanc, de satin bien sûr, avec panier réduit et petite queue. Pour les hommes, la plus riche parure et perruque à pointe terminée par une seule boucle en pointe.
    Il les considéra comme on toise.
    — Hum, j’ai vos mesures. Sylvain, fiche famille de Ranreuil, et promptement !
    Un apprenti, presque un enfant encore, se précipita dans l’arrière-boutique et revint bientôt avec un petit carton.
    — Monsieur le vicomte entend-il porter un uniforme de gala ?
    — Non, dit Nicolas. Sa Majesté souhaite qu’il soit en habit.
    Vachon eut un regard admiratif pour le jeunehomme dont la tenue faisait l’objet des recommandations de la souveraine.
    — Vous souvenez-vous de votre premier habit ? Hein ? Vert, je crois ? C’était votre première visite à Versailles, avec M. de Sartine je pense ? Il y a bien longtemps. Pour vous, je vois un gris perlé à broderies d’argent, le feu roi aimait cette couleur et, pour vous monsieur le vicomte, un habit bleu roi à broderies d’or. J’imagine cela ainsi. Mais votre goût…
    — Est le vôtre, maître Vachon. Nous nous en sommes toujours bien portés depuis vingt-deux ans, si je compte bien.
    — Déjà ! Mes jambes en effet me le rappellent.
    Il voulut à tout prix se lever pour accompagner ses visiteurs jusqu’à la cour qui dissimulait en frontière cette boutique retirée que seule sa riche clientèle connaissait. Il y parvint, appuyé sur deux de ses petites mains . Il assura Nicolas qu’aucun essayage ne serait nécessaire, ayant conservé de longue main les patrons du père et du fils. Il avait deux ans auparavant taillé les uniformes du lieutenant aux carabiniers de Monsieur.
    Nicolas riait en regagnant leur voiture.
    — Mon père, qu’est-ce qui vous réjouit tant ?
    — C’est que me revient à l’esprit ce que contait Fine, ma nourrice, à la grande fureur du chanoine Le Floch, comme tu le sais mon père adoptif. Elle chantait :
    Ur c’hemener ‘ deo ket un den.
    Nemet ur c’hemener ha ken ;
    Ret er pouezin p’en da en ti
    Ret er pouezin a pa sorti.
    — Ce qui signifiait ?
    — En gros : Ce n’est qu’un tailleur et pas plus ; il faut le peser quand il entre dans la maison, il faut le peser quand il sort . Ah ! Mon Dieu, ce n’est pas le cas de notre bon M. Vachon. Je crois bien qu’il a conservé depuis vingt-deux ans tous les morceaux de lisières et de retailles de mes habits, culottes, gilets et manteaux qui, de coutume, lui étaient dus ! Reste qu’en Bretagne croiser un tailleur porte malheur.
    — Accordez-vous foi à ces sornettes ?
    Nicolas ne répondit pas, l’air songeur.
    — Vous devrez un jour apprendre le breton, monsieur le vicomte de Tréhiguier, si vous voulez vous faire entendre de nos gens. Et quand je dis nos gens, je devrais les appeler frères, ayant joué et polissonné avec eux dans mon jeune âge. Vous les aimerez comme je le fis, et continue encore, et ils vous le rendront bien.
    Nicolas se fit déposer au Grand Châtelet où Bourdeau l’attendait. Comme toujours, un examen approfondi de l’enquête s’imposait. Il aimait ces tête-à-tête avec l’inspecteur, multipliés, innombrables, depuis le premier jour de leur travail commun. Ils

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