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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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imposaient entre eux comme une sorte de jeu où l’intelligence, l’intuition, le hasard aussi, s’entremêlaient, faisaient jaillir les hypothèses, ouvraient des voies, en fermaient d’autres et confortaient parfois une petite idée qui flottait et qui n’attendait pour se concrétiser que le feu du débat.
    — Alors, quoi de nouveau ? dit Nicolas.
    La formule habituelle fit sourire Bourdeau, que ce début ravissait toujours, vieille habitude, témoignage de leur connivence.
    — Oh ! J’ai à nouveau interrogé le Piquadieu. Rien à faire. Cette buse refuse de jaser. Pourquoi ? Jejurerais qu’il est tenu d’une manière ou d’une autre. L’ordre lui a été donné de clore la bouche. Il s’y tient, se sentant sans doute menacé. Par qui et comment ?
    — Il a tenté de nous faire accroire qu’il dépendait d’un autre service. J’ai sondé en profondeur tout ce qui existe dans le domaine avec l’aide de l’amiral d’Arranet. Il n’en ressort rien, absolument rien !
    — J’ai vu aussi la Berlotte, la cinquantaine, visage long et maigre, teint couperosé, un œil louche et l’autre méchant. Elle est demeurée très vague. Elle a reconnu que Richard Harmand fréquentait son académie . Le portrait qu’elle m’en a dressé avec une sorte de fièvre vindicative aggrave la première esquisse que son ami nous avait offerte. Elle le décrit sans honneur et sans probité.
    — Comme il est plaisant d’entendre le vice prôner la vertu !
    — Elle a ajouté que lorsqu’il était à quia, décavé par quelque coup malchanceux, il se faisait avancer des sommes, très expert à duper son prochain sur sa bonne mine. Le jeu était sa ressource. Après un coup heureux qui le remettait en finances, il se livrait à la débauche.
    — Quel tableau ! La Berlotte traite-t-elle des étrangers ?
    — Oui-da ! Parfois. Des Anglais ou… des Américains. Comment le peut-elle deviner, les seconds ayant été des premiers et la langue leur étant commune !
    — Se peut-il ?… Je songe soudain à quelque chose. Si le mystérieux M. Smith avait fréquenté la maison Berlotte, n’est-ce point là que sa médaille aurait pu lui être dérobée ?
    — Franklin nous a affirmé sans gazer le fait qu’il l’avait égarée chez le comte de Rovski.
    — Était-il en mesure d’affirmer autre chose ? Il ignorait tout de ce que nous pouvions savoir de l’événement. Imaginons qu’il fréquentait chez la Berlotte, la chaîne a pu être rompue au cours d’un déduit. Et qui sait, peut-être avec la Gambut ? Car observe que cette fille revient avec une cadence intrigante dans notre affaire. L’as-tu interrogée ?
    — Introuvable. J’ai lancé mes meilleures mouches à sa recherche. Tirepot réunira les informations.
    — Pour Richard Harmand, sur le cas duquel il faut revenir, il était dans une situation de faiblesse, vulnérable par le train qu’il menait. Les dettes impliquent des prêteurs, des complaisants ou des compromissions. Qui a fait pression sur lui et qui pouvait le faire ? A-t-il confié la clé à quelqu’un qui en avait besoin pour s’introduire dans l’hôtel ?
    Nicolas resta un moment plongé dans sa réflexion.
    — Dans tout ce que nous avançons, pèse l’incertitude de notre ignorance du déroulement de la soirée rue de Richelieu. Les indications nous manquent cruellement pour dessiner les événements de ce soir-là. Quels projets nourrissait le comte de Rovski ? L’eau-de-vie ? Mais cette habitude paraissait chez lui quotidienne. Attendait-il une visite galante ? La Gambut ? Le papier découvert incite à le penser. Avait-il rendez-vous de diplomatie secrète avec ce M. Smith ?
    — Et tu oublies la dame au portrait.
    — Non point. Mais j’ajoute à ce tableau la curieuse mention du cul-de-sac des Provençaux dans la bouche de Veyrat alias la Jeunesse alias Piquadieu. La Berlotte le connaît-elle ?
    — Oui, comme tout un chacun dans ce monde-là. Elle est cependant demeurée évasive sur le sujet. Une chose m’intrigue. Nous avons un noble russe qui vient à Paris soi-disant pour faire sa cour au comte du Nord. Il jouit des plaisirs de la ville, ce que nous pouvons comprendre. Reste une inconnue. Comment a-t-il rencontré ce M. Smith ? Où ? Et cet Américain, il a bien franchi un jour les limites du royaume. Il est bien entré dans Paris. La police des étrangers en tient la liste et doit nécessairement nous éclairer sur ce

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