L'enquête russe
joué la grande scène avec larmes, obtenu un meilleur prix, accablé Böehmer de ses séductions, et finalement laissé à regret, multipliant les hésitations, l’objet aux mains du bijoutier qui, ayant examiné le portrait une première fois, et sous le charme, n’a pas songé à récidiver son examen.
Le bon visage du sergent s’épanouissait de contentement en achevant sa démonstration.
— Doit-on en conclure que cette dame serait celle que nous recherchons ?
— Ce que je vais vous dévoiler incite fortement à le croire.
— J’ai retrouvé, dit Bourdeau, trace de l’arrivée du comte de Rovski en France.
— Ah ! Voici du nouveau.
— Une liste de passagers du paquebot L’Artois qui a déposé le même jour les passagers suivants…
Il chercha dans ses papiers.
— Je vous lis :
– Mademoiselle Anne Desmarets, lectrice
– M. Sauvageot, négociant en cuirs
– M. Smith, banquier
– M. Golikoff, négociant en eaux-de-vie
– Ivan Kripaeev, domestique
– Princesse de Kesseoren
– Schultz, marchands de peaux
– M. le comte Igor de Rovski, officier
Nicolas et Bourdeau se regardèrent tant cette liste ouvrait de perspectives dans l’enquête en cours.
— Voilà qui est du dernier éclairant ! Ainsi trois de nos suspects ont voyagé ensemble et se sont rencontrés, forcément. Ont-ils fait pour la première fois connaissance à l’occasion de cette traversée ou des relations s’étaient-elles déjà nouées en Russie ? Qu’y a-t-il de commun entre les trois susnommés ? Se peut-il que des liaisons existent avec les cinq autres passagers ? Pierre, voici un nouveau champ de recherches. Retrouvons-les également et confrontons leurs témoignages. Cela fait sept personnes sur lesquelles il faut lancer nos chiens.
— Vaste projet !
— À la hauteur de la réputation de nos services. Tu me mets cela en musique. Gremillon et Rabouine se jettent dès demain sur les brisées.
— Il faudra aller vite, car lundi commence le grand ouvrage à la résidence du prince Bariatinski.
— Je ne l’oublie pas, j’y songe même sans cesse tant je crains ce qui peut advenir de ce projet sur lequel, tu le sais, j’ai nourri des doutes dès l’origine. À ce sujet, j’assisterai à la représentation à la Comédie-Française dans le cas où le comte du Nord ferait retour avant l’heure. Nous établirons des coureurs pour pouvoir nous prévenir dans un sens ou dans l’autre. Toi, tu demeureras à l’hôtel de police pour y recueillir l’objet que nous attendons.
Nicolas quitta le Châtelet après avoir prodigué ses recommandations à Bourdeau et à Gremillon pour la préparation des recherches nécessaires. Rue Montmartre, il trouva M. de Noblecourt seul dans sa chambre sur le point de souper. Louis s’était échappé, avide de retrouver ses amis et les plaisirs de la capitale.
— Prenez place, Nicolas.
Il sonna et bientôt Catherine fit son entrée.
— Monzieur m’a abbelée ?
— Que oui, chère Catherine. Nicolas soupe avec moi, qu’avons-nous ce soir ?
— Vous affez de la chance, je vais améliorer l’ordinaire. Pour Nicolas, j’ai acheté ce matin bar chance des œufs d’oie. Z’est la saison ! Une ponne omelette pien grasse aux pointes d’asperges fera merfeille.
— Tu fais cuire les asperges au préalable ?
— Non, mon betit. Il faut leur conserver un petitbeu de croquant. Donc je les fais sauter dans un beu de lard gras, les pique pour férifier la cuisson, les mouille de vin blanc afin d’en assurer la tendreté et je jette les œufs battus dessus.
— En goûterai-je ? demanda Noblecourt timidement.
— Yo, yo, n’y zongez bas ! L’œuf d’oie est peaucoup trop gras pour fous !
— Voyez comme on me traite sous mon propre toit. Ne réfléchis-tu pas, mauvaise, que tu prépares à Nicolas une vieillesse de douleur et de marasme ? Une jeunesse goûteuse procure une vieillesse goutteuse ! Prenez-y garde, godelureau.
— Enzuite, reprit Catherine insensible aux jérémiades du vieux magistrat, une assiettée de saucisson de Magland que l’ami de Nicolas nous a adressé. J’en avais sauvé un bon morceau de la vorazité de vous autres.
— Et moi ? Et moi ?
— Un bouillon de racines, puis de la salade cuite dans un beu de fond de veau, et votre sauge du zoir.
— Hors de ma vue, harpie !
Riant, Catherine s’enfuit, puis se retourna.
— Et vous n’aurez bas de
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