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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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que puisse faire un prince à un particulier, c’est la confidence de ses secrets. »
    Dictionnaire de la cour et de la ville
    Il s’irritait de son retard, occasionné par la rupture d’essieu d’un fardier trop chargé devant sa voiture. L’incident était courant et fatal dans ces ruelles étroites. Le plus rude était de s’en dépêtrer. À son arrivée à l’hôtel de police, Nicolas constata qu’un carrosse timbré des armes de Russie l’avait précédé. À cette vue, sa crainte s’accrut ; il n’y avait plus de doute, il s’était passé quelque chose à l’Hôtel de Lévi et tout autorisait d’imaginer le pire. Dangeville avait-il été surpris dérobant la broche de la grande-duchesse ? Il découvrit Bariatinski, arpentant d’un pas nerveux l’antichambre de Le Noir. Il le salua et poussa la porte du bureau. Il vit, au mouvement de dépit du diplomate, combien il était impatient d’être lui-même reçu.
    — Vous voilà ! Enfin ! s’écria Le Noir. Je lanterne depuis un moment l’ambassadeur de Russie, il pétille à ma porte et nous parvenons sans doute à la limite du tolérable.
    — Que s’est-il passé ?
    — Je n’en sais rien. La noria ne s’est point mise en route. Rabouine, à ce que j’apprends, est toujours en attente, et aucune nouvelle de Dangeville, mais je crains que cette irruption du ministre de l’impératrice ne soit annonciatrice de difficultés.
    — Un homme est venu le déranger dans sa loge au Théâtre français pour lui annoncer quelque chose. Il s’est alors entretenu un moment avec le comte du Nord et s’est éclipsé en toute hâte.
    — Que va-t-il nous apprendre ? Je serais en mesure et en droit de lui rappeler les usages d’avoir d’abord à prendre langue avec Vergennes, mais… Je crois que n’avons guère de temps à perdre. Qu’en pensez-vous, Nicolas ?
    — Je suis d’avis de ne point tarder. Au reste, comme nous ignorons de quoi il s’agit, ne donnons pas l’impression à l’ambassadeur que nous redoutons ce qu’il entend nous dire.
    — Je pense que Vergennes comprendra cet accroc à l’étiquette dans la passe où nous sommes. En tout cas, j’appréhende ce que votre intuition laissait présager. J’ai toujours pensé qu’il y avait dans le phénomène des pressentiments quelque chose de surnaturel qui, même, mieux observé, fournirait la preuve de l’immatérialité de l’âme. C’est dire à quel point…
    On gratta à la porte. Un laquais affairé apparut.
    — Monseigneur, votre visiteur s’impatiente.
    — Faites-le entrer.
    Le Noir regarda Nicolas d’un air malheureux. Ilaurait sans doute préféré, songea le commissaire, poursuivre encore un peu cette conversation philosophique qui retardait d’autant une confrontation redoutée.
    Le diplomate en habit bleu sombre, perruque poudrée, portait beau, avec un visage empreint de caractère. Il semblait plus atterré que furieux. Il salua le lieutenant général de police et toisa Nicolas d’un air interrogateur. La mimique était si éloquente qu’une présentation s’imposait.
    — Monsieur le marquis de Ranreuil, commissaire du roi aux affaires extraordinaires.
    Nicolas admira l’habileté de Le Noir qui parvenait, sans s’éloigner de la vérité, à lui donner une importance que sans doute il n’avait pas. Bariatinski, surpris, s’inclina.
    — Monseigneur, dit-il, permettez-moi d’abord de vous présenter mes excuses d’avoir à vous troubler sans préavis et en passant outre aux règles habituelles qui régissent les relations entre les ministres étrangers et les autorités du royaume. Je vous le dis pour vous éviter d’avoir à me les rappeler. Je m’autorise de notre voisinage, des heureuses relations que nous avons nouées, et surtout de l’urgence pour prendre votre conseil et solliciter votre aide. La police, votre police, monseigneur, est la meilleure de l’Europe, chacun le reconnaît et chante ses louanges. Je crains qu’il y ait aujourd’hui matière pour elle à prouver sa valeur encore une fois.
    Le Noir salua.
    — Allons au fait, monsieur l’ambassadeur. Je crois comprendre que le temps nous presse.
    Bariatinski toussa et prit place dans un fauteuil que Le Noir lui désignait.
    — J’étais avec Son Altesse le grand-duc au théâtre quand un de mes gens vint m’avertir d’un…
    Il sembla hésiter, puis se reprit.
    — … drame, c’est le mot le plus exact qui me vient, car que dire d’autre d’un vol

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