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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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il nous est apparu peu opportun de troubler la visite, fût-elle incognito , de Son Altesse impériale avant que quelques faibles lumières nous lancent sur différentes pistes. Et à ce sujet, nul doute que Votre Excellence soit en mesure de nous apporter une aide précieuse.
    — Et que pourrais-je vous dire ? Le comte de Rovski était un officier des gardes, un homme de cour que Sa Majesté impériale appréciait.
    — Jusqu’au moment, reprit Nicolas, où il fut disgracié, n’est-ce pas ?
    L’ambassadeur ne répondit pas. Il considérait d’un air absent la pointe de ses souliers.
    — Connaissez-vous la princesse de Kesseoren, dame à portrait de Sa Majesté impériale ?
    — Suis-je au-delà du convenable si j’affirme qu’il s’agit là d’un interrogatoire de police ?
    Le Noir eut une sorte de haut-le-cœur.
    — Vous avez beau faire, dit-il, je suis le premier policier du royaume et aucun entretien avec moi n’est innocent. Je représente Sa Majesté, et le commissaire agit en mon nom. Libre à vous de ne point répondre à ses questions, mais rappelez-vous que vous venez nous demander aide et appui et que désormais nos efforts sont liés.
    — Sur une autre, oui, l’autre affaire. Celle-ci me semble bien commune et je l’abandonne aux besognes de vos gens.
    Il consulta sa montre.
    — Je crains que le temps ne presse. Il faut tout examiner avant l’arrivée de mes illustres visiteurs. Monsieur le marquis, m’accompagnez-vous ?
    Ce fut Le Noir qui répondit.
    — Il vous suit dans l’instant. Je lui dois donner quelques indications. Je suis votre serviteur, monsieur l’ambassadeur.
    Bariatinski salua et se retira sans un mot. Le lieutenant général de police attendit un moment, hocha la tête, les yeux au ciel.
    — Que ne vous a-t-on écouté ! Nous voilà pris dans la nasse d’une bien mauvaise affaire. Que s’est-il passé ? Deux morts ! Pourquoi ? Il faut éclairer ce drame. Et qu’est devenu le bijou ? Je n’y entends plus rien. Et pourquoi n’a-t-il point répondu à votre question sur une princesse de… ? de ?
    Nicolas estima que les plaintes de Le Noir retardaient le début d’une recherche pour laquelle le temps lui manquerait puisque tout devait être en ordre avant le retour du couple princier à l’Hôtel de Lévi.
    À ce moment Bourdeau surgit.
    — Monseigneur, Rabouine vient de revenir. Il n’a point la broche et aucun signe de Dangeville !
    — Il y a quelques raisons pour cela, hélas !
    Nicolas résuma à l’inspecteur le funeste chemin qu’empruntait leur affaire.
    — Si vous en êtes d’accord, monseigneur, Bourdeau m’assistera, les Russes n’ont plus rien à nous refuser. Ils ne s’y opposeront pas.
    — Faites au mieux, Nicolas. Je vais aller prévenir Sartine des suites malheureuses de son initiative.
    Il soupira, l’air malheureux.
    — N’oubliez pas que la broche de la grande-duchesse a disparu. Si nous la pouvions retrouver, ce serait un demi-mal.
    — Et vous, monseigneur, ne perdez pas de vue que j’ai promis à Dangeville de veiller sur sa famille.
    — Je vous donne ma parole, Nicolas, que j’y prêterai la plus sourcilleuse attention. Peut-on supposer que Dangeville aurait pu nous tromper et travailler pour son propre compte ?
    — Nous verrons, mais je ne le crois pas.
     
    Quand ils arrivèrent à l’Hôtel de Lévi, un homme, qui se présenta comme Nikita, le majordome, lesconduisit jusqu’à l’appartement de la grande-duchesse. Ce qu’ils y découvrirent offrit aux regards des deux policiers une scène arrêtée dont les personnages étaient figés dans de surprenantes attitudes. Longtemps Nicolas garderait en mémoire le boudoir où se mêlaient le vert jade du rechampi et les dorures. Il rassemblait une coiffeuse de bois argenté, une haute psyché et un magnifique secrétaire en armoire ornée de panneaux de laque japonais aux moulures de bronze doré et décorés de fleurs et d’oiseaux. Les contrefenêtres avaient été refermées et seul un flambeau procurait une faible lumière qui éclairait un homme allongé sur un sofa. Une jambe et un bras pendaient. Non encore troublés par la mort, les yeux ouverts de Dangeville le fixaient avec, lui sembla-t-il, un air de reproche. Il s’efforça aussitôt de chasser cette idée tout au regret d’avoir prêté la main à cette machination. Le remords le taraudait à un point qu’il n’aurait pu imaginer. Vers la croisée, un autre homme gisait

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