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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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décuplé, si la chose était possible, depuis qu’elle le savait près du gouffre, et tous, elle, Michelle, Nicolas et Stanislas, le suppliaient silencieusement de tourner son regard vers eux.
    L’odeur de l’hôpital était toujours la même, un mélange d’éther et de sang, de désinfectant et de peur, d’iode et de fleurs. Comme toutes les nuits, les vases avaient été déposés dans le couloir afin d’empêcher les fleurs de voler l’oxygène des malades. Élisabeth avançait, collée à Nathaniel, espérant ainsi recevoir de sa force. Elle entra seule dans l’unité des soins intensifs, et prit le temps de raconter à Jan qu’elle arrivait de l’aéroport où elle était allée chercher une personne qui lui était chère et qu’elle brûlait d’impatience de lui faire rencontrer. Tout en parlant, elle lui caressait la main gauche, celle qui avait échappé à la boucherie. Elle se leva, et s’arrêta quelques minutes au poste des infirmières pour s’enquérir des dernières nouvelles.
    – Stable. Aucune régression, aucun progrès.
    Elle vint retrouver Nathaniel qui était allé chercher deux cafés bien chauds, prêt à passer la nuit et même la semaine là s’il le fallait. Élisabeth lui sourit tristement en haussant les épaules et se rassit à côté de lui, désolée d’avoir à lui présenter sa famille dans des circonstances aussi dramatiques. Elle devait les recevoir tous pour la Saint-Jean-Baptiste, et Nathaniel et elle s’étaient amusés, lors de son dernier séjour à Boston, à imaginer leurs réactions.
    «Je suis certaine que lorsque je vais dire à mon frère “Jan, je te présente mon fiancé, l’homme de ma vie”, il va répondre: “Encore?”
    – Oui?
    – Sûr et certain. Ensuite, il va me demander si tu es marié. Et quand je vais affirmer que non, il va croire que tu es divorcé. Quand je vais le contredire, il va vouloir savoir ce que tu fais dans la vie. Quand j’aurai dit que tu es non seulement musicien mais professeur et chef d’orchestre, il va s’inquiéter devant un tableau aussi parfait.
    – Tu veux rire?
    – Oh non! Tu le sais, rien de bien, à part Florence, ne m’est arrivé depuis 1939. Ensuite, je parierais qu’il va me demander de cesser de le faire languir en lui avouant tout de suite ton défaut.
    – Et c’est à ce moment que tu vas lui dire que je suis juif.
    – Oui, mais je vais atténuer le choc immédiatement en précisant que tu es polonais.»
    Nathaniel avait ri de bon cœur, promettant de ne pas porter sa kippa qui traînait dans un fond de tiroir depuis des années.
    «Michelle, elle, va certainement être intimidée par ton allure. Elle a un faible pour les beaux Polonais.
    – Cesse tes conneries.
    – Tu vas voir que mon frère est bel homme. En fait, il est même le seul homme que j’ai pu aimer toute ma vie, mais, depuis que je te connais, j’ai été forcée de lui enlever son titre de premier violon. J’ai un nouveau premier violon, qui, ô coïncidence, est aussi mon violon d’Ingres.
    – Comment? Je ne suis que ton passe-temps?
    – Certainement. Tu connais beaucoup de femmes, toi, qui peuvent travailler, s’amuser, voyager, jouer, dormir et faire un enfant avec leur violon d’Ingres?»
    Elle l’avait regardé en tremblant, si émue par ce que le médecin lui avait confirmé, si affolée par leur âge qu’elle redoutait, sans vraiment la craindre, la réaction de Nathaniel. Ébranlé, il avait cessé de sourire et l’avait longuement regardée, cherchant à comprendre le sens de ce qu’elle venait de dire. Il avait remarqué alors que ses iris d’un bleu de mer étaient noyés dans des larmes d’inquiétude et d’extase. Il avait été si heureux de penser qu’un être ayant des yeux peut-être aussi beaux que ceux-là se laissait bercer innocemment, ignorant qu’il était l’enfant de la plus belle femme que son père eût rencontrée. Il s’était précipité dans sa chambre et en était ressorti, la kippa à la main.
    «La seule chose à laquelle je crois, Élisabeth, c’est qu’il y a une force supérieure à la nôtre. C’est uniquement lorsque je dois m’incliner devant elle que je porte la kippa. Je ne l’ai pas fait depuis au moins quinze ans. Puis-je?»
    Élisabeth avait sangloté en la lui prenant des mains et en l’en coiffant elle-même.
    L’aube laissait deviner ses premières coquetteries et Élisabeth s’était assoupie, la tête abandonnée contre la poitrine de Nathaniel qui

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