L'envol des tourterelles
devant lui. Il fit signe que non, se contentant d’approcher sa chaise pour tenir la main de son frère.
– Il va savoir que ce n’est pas ta main.
Elle ressortit après avoir dit qu’il était temps qu’il aille dormir. Il avait acquiescé, mais n’avait pas bronché.
Michelle arriva à l’hôpital, toujours aussi troublée. Élisabeth l’attendit devant l’ascenseur et la serra contre elle pour lui annoncer l’arrivée inespérée de Jerzy.
– Lui ici?
– Oui, lui. Il a roulé sans arrêt pendant près de deux jours.
Michelle, abasourdie, soupira.
– Je ne l’ai jamais rencontré.
Élisabeth se rapprocha encore d’elle pour lui parler de la présence de Nathaniel.
– Il y a aussi un de mes amis dans le salon attenant.
– Un de tes amis? Qu’est-ce qui se passe ici? Est-ce que tu me caches quelque chose, Élisabeth? Est-ce que Jan va mourir?
– Mais non, mais non. Il est toujours stable.
Michelle entra dans l’unité et s’approcha de son mari et de son beau-frère, un sourire fané accroché à son visage blafard. Jerzy tenait toujours la main de Jan, mais il s’était assoupi, le menton contre la poitrine, la tête légèrement tournée vers son frère. Michelle cessa de sourire, troublée. Elle baisa le front de Jan et dévisagea Jerzy, se demandant s’il fallait l’éveiller ou non. Elle décida d’attendre, et le regarda longuement. Plus les minutes passaient, plus elle greffait d’histoires et de souvenirs sur les épaules de l’homme affalé devant elle, et plus elle était remuée par la fragilité qu’elle reconnaissait en lui. Elle était si attentive aux souffles des deux frères qu’elle n’eut pas conscience de verser des larmes. Ces deux Pawulscy étaient vraiment taillés dans la même étoffe et elle n’avait jamais imaginé que Jerzy pouvait avoir une tête qui lui plairait, compte tenu de ce qu’en disait Stanislas. Un buté, un toqué, certes, mais s’il avait la bouche amère, il avait aussi la paupière diaphane comme celle de Jan et elle avait appris que ces paupières ne réussiraient jamais à cacher une extrême tendresse. La brouille entre les deux frères lui semblait maintenant incompréhensible.
Jerzy s’agita et elle sursauta. Il ouvrit les yeux et l’aperçut. Il abandonna doucement la main de Jan, la lui reposant sur le ventre, le regarda d’un œil interrogateur, puis se leva péniblement et s’approcha de Michelle qu’il avait reconnue immédiatement pour l’avoir vue plusieurs fois en photo. Il lui baisa la main à deux reprises avant de l’enlacer et de lui chuchoter que rien de mal ne pouvait arriver à son frère puisque toute leur famille veillait sur lui. Michelle fut étonnée de reconnaître la voix de Jan dans celle de Jerzy et en fut réconfortée.
– Il va être ravi de vous voir.
– Vous croyez?
– Je le sais. Il arrive parfois que le temps soit trop long.
30
Stanislas, assis près de son oncle, lui tenait encore la main, ne cessant de sangloter silencieusement, réentendant les cris sauvages qui lui étaient parvenus du bureau de Jan, qu’il ne verrait plus désormais que comme une salle de torture. En moins de cinq minutes, son oncle avait été brisé, la porte arrachée, et trois collègues avaient été légèrement blessés. Il avait fallu quatre policiers pour immobiliser et menotter Casimir le Maudit. L’ambulance lui avait semblé mettre une éternité à arriver et il s’y était engouffré avec son oncle allongé sur une civière, emmitouflé dans des draps qui ne restèrent blancs que peu de temps et dans une couverture qui ne l’empêchait pas de grelotter. Il lui avait pris la main qui n’était pas trop enflée et il avait pleuré sans gêne devant l’ambulancier qui était avec eux. Son oncle était maintenant hospitalisé depuis plus de cinq jours et il n’avait toujours pas ouvert les yeux. Stanislas se demandait du soir au matin et du matin au soir s’il allait mourir. Il ne dormait plus et ne mangeait plus, et l’arrivée inopinée de son père l’avait saisi. Il n’avait su lui parler, lui répétant sans arrêt qu’il était responsable.
«J’aurais dû appeler les policiers au lieu de parler à mon oncle.»
Son père avait essayé de le consoler, mais il n’avait pu le calmer, ayant plus de succès auprès de Nicolasqui déclarait à tous que son cousin était un imbécile et que si son père mourait, il ne valait guère mieux qu’un assassin.
«Il a verrouillé la
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