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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Élisabeth et lui fit un signe de tête pour l’encourager. Jan sentit son cœur se noyer, sachant qu’il allait connaître le dernier élément qui ferait qu’il saurait «tout».
    – Un mariage de juin, Jan.
    Il regarda sa sœur en souriant, reconnaissant qu’elle se fût adressée à lui.
    – Comme c’est romantique! Un mariage avec un bébé de… de combien de mois, Élisabeth?
    Michelle cachait mal son excitation, même si elle eût préféré que la noce fût célébrée avant que la grossesse ne fût apparente, comme cela se faisait toujours avant que les mœurs ne changent terriblement et que les femmes ne portent plus la robe blanche que par tradition et non à cause du symbole qui s’y rattachait.
    – Juin?
    – Oui, juin.
    Nathaniel sourit calmement, caressant toujours la main d’Élisabeth.
    – En juin de cette année, le bébé avait deux mois de baignade. En juin de l’an prochain, il aura cinq mois.
    Élisabeth lui embrassa une oreille et Jan se demanda s’il était normal qu’une femme de quarante et un ans et un homme de quarante-six ans se comportent comme des tourtereaux sans âge.
    – Encore mieux! À cinq mois, un bébé est beaucoup plus facile à déplacer…
    – Il l’était encore plus à deux mois de grossesse.
    Élisabeth avait parlé si sérieusement que Jan se répéta mentalement ce qu’elle venait de dire. Michelle, elle, mit plus de temps à comprendre que Nathaniel et Élisabeth étaient mariés depuis près de trois mois. Jan blêmit, se sentant trahi dans la seule chose à laquelle il avait toujours cru: le respect et l’amour de sa sœur. Il se réfugia dans un mutisme dont tous comprirent le sens, puis partit en les priant de l’excuser, sans ajouter un mot. Michelle le suivit, balbutiant des politesses avant de bafouiller des vœux de bonheur.
    Jan s’enferma dans son bureau, se planta devant les lunettes de son père et régurgita les douloureux trois derniers mois qu’il venait de vivre. Il parla de Casimir et de ses mains de fer, de la venue de Jerzy et du mariage d’Élisabeth.
    – La bonne nouvelle, papa, c’est qu’en voyant Jerzy j’ai senti fondre toute ma rancœur. Mais il a vieilli, terriblement vieilli, et j’ai eu de nouveau peur de la mort. Elle était loin, terriblement loin, davantage dans le passé que dans l’avenir. Mais, en voyant que mon frère avait des cheveux blancs, je me suis dit que nous n’étions plus de jeunes orphelins polonais accueillis ici après la guerre. Non. Nous étions probablement devenus de vieux Polonais venus faire fortune. Les gens oublient. Même moi, j’ai oublié. Mais Élisabeth, elle, n’a certainement pas oublié. Elle va avoir un bébé. Tu te rends compte? Un bébé à quarante et un ans! Un bébé polonais! En fait, ce que je voulais comprendre, papa, c’est la raison pour laquelle elle s’est mariée sans m’en parler. J’en suis si offusqué que j’en perds le souffle. Il est vrai que les temps changent, mais je ne conçois pas qu’ils aient changé au point qu’une sœur n’invite pas son frère à ses noces.
    Quand Jan regarda l’heure, les aiguilles lui indiquèrent que plus de la moitié de la nuit avait filé. Il décida de ne pas dormir, préférant commencer sa «tournée du ventre». Il entra dans la chambre sur la pointe des pieds et trouva Michelle bien éveillée, un livre à la main.
    – Tu ne dors pas?
    – J’imagine que tu as eu une longue discussion avec ton père.
    Jan haussa les épaules en déboutonnant sa chemise.
    – Jan, mon amour, as-tu déjà pensé que j’aimerais parfois devenir une paire de lunettes?
    Jan la regarda comme si elle venait de proférer la pire des insanités.
    – Et te faire couler dans le bronze?
    – Non, Jan. J’aimerais ça être là, juste là, à ne rien faire pendant que tu me parlerais, me raconterais tes pensées, tes sentiments, tes réflexions, tes projets, tes regrets…
    – Tu n’as pas besoin d’être une paire de lunettes pour ça, Michelle. Je ne t’ai jamais rien caché.
    Michelle éteignit la lumière, le forçant à se diriger vers le placard en tâtonnant. Il l’ouvrit pour en sortir une chemise, allumant du coup l’ampoule qui s’y trouvait, et vit que Michelle lui tournait le dos, soupirant ou sanglotant. Il referma le placard, replongeant la chambre dans l’obscurité, et sortit aussitôt, irrité par sa femme qui se disait jalouse d’un pauvre mort dont la cervelle n’avait eu qu’une neige sale pour

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