L'envol des tourterelles
présenté Michelle.
Jan reprit l’air timide et penaud qu’il arborait ce jour-là, où il n’avait presque rien dit sauf quelques insignifiances en parlant d’Adam. Élisabeth continua à sourire, visiblement soulagée, et déclara qu’une noce-baptême avec toute sa famille allait faire le plus beau jour de sa vie.
– J’ai attendu plus de quarante ans pour enfin le voir, ce plus beau jour.
– Tu veux dire qu’il sera plus beau que le jour où je t’ai donné la moitié de mon chocolat?
– Plus.
– Que le jour de ton mariage avec Marek?
– Plus.
– Que le jour où tu es devenue la marraine de Sophie?
– Plus.
– Que le jour où tu as rencontré Florence?
– Plus.
Cessant de badiner, il comprit que sa sœur était heureuse au point d’en être encore plus fragile.
33
Jerzy et Anna étaient absolument catastrophés. Le lit de Nicolas n’avait pas été défait et sa valise, prête pour le retour, avait disparu. Avec Stanislas et Sophie, ils organisèrent une battue à travers les champs, puis étendirent le cercle de leurs recherches au village de Saint-Norbert. Personne n’avait vu Nicolas: ni les gens de la
Coop
, ni le personnel du bureau de poste, ni même le curé et les dames du presbytère. Nicolas semblait s’être volatilisé et Sophie était convaincue qu’il avait mis à exécution son projet de voyage. Alors qu’elle avait espéré qu’il était trop timoré pour partir à l’aventure, elle devait reconnaître que le Nicolas qui avait disparu pouvait être celui qu’elle était la seule à connaître et qui était un garçon extrêmement déterminé.
– Et s’il s’était rendu à la gare par ses propres moyens?
Ils eurent tous l’air sceptique, mais Anna expliqua que cela n’avait peut-être pas été son intention.
– Vous comprenez certainement ce que je veux dire.
Il a peut-être eu peur, ou faim, qui sait?
Stanislas s’empressa de se doucher et de se changer, puis il empoigna sa valise et ils montèrent tous les quatre dans la vieille automobile bringuebalante de Jerzy, qui se croisant les doigts, qui faisant uneprière silencieuse. La gare de Winnipeg leur apparut étrangement tranquille, comme si tous les voyageurs comprenaient qu’ils étaient à la recherche de Nicolas. Ils s’informèrent partout, ne négligeant aucun employé, terminant sur le quai où était attendu le train qui partirait pour Montréal. Dès qu’il entra en gare, ils se postèrent de façon à voir venir les passagers. Ils attendirent et attendirent. En vain. Stanislas savait qu’il ne monterait pas sans son cousin, et craignait aussi que son père ne puisse pas lui offrir un second billet. On fit le dernier appel et le conducteur cria: «
All aboard!
», jetant un regard interrogateur à Stanislas qui fit non de la tête avant de refermer la porte. Jusqu’à la dernière seconde, ils avaient espéré.
De retour à la maison, Jerzy, tremblotant, prit le téléphone pour rejoindre son frère. Il avait entendu parler de jeunes qui cherchaient l’aventure, mais ce n’étaient jamais des jeunes de bonne famille, encore moins des jeunes de famille polonaise. Il pensa que c’était peut-être le sang canadien-français de son neveu, son héritage d’aventuriers et de coureurs des bois, qui refaisait surface. Il redoutait tellement la réaction de Jan, réaction qu’il avait eue lui-même lorsque Stanislas avait fait la même chose, qu’il raccrocha, affolé. Anna lui tint la main pour l’encourager, alors que Sophie ne cessait de répéter qu’elle aurait dû comprendre ce que Nicolas lui avait laissé entendre et que Stanislas se taisait, atterré, certain que son cousin était parti parce qu’il le détestait. Jerzy demeura assis près de l’appareil, prêt à redécrocher, et soudain la sonnerie retentit, emplissant le silence lugubre d’un son quasi alarmant. Il ferma les yeux, espérant entendre la voix de Nicolas, mais c’était celle de Jan, qui semblait venir d’outre-tombe.
– Est-il parti?
Jerzy sentit son anxiété monter d’un cran. Comment allait-il annoncer à son frère que non seulement Nicolas n’était pas parti, mais que personne ne savait où il était?
– Jerzy?
– Oui.
– Est-il parti?
– Non.
Jerzy entendit un grand soupir de détente et n’y comprit rien. Jan lui raconta alors qu’ils venaient de recevoir une lettre d’adieu dans laquelle Nicolas leur annonçait sa décision de partir à la découverte du monde. Jerzy
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