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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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crut percevoir des sanglots retenus dans la voix de son frère, mais ceux de Michelle probablement à ses côtés étaient déchirants par le soulagement qu’ils exprimaient.
    – Il écrit qu’il voudrait aller au Mexique et, de là, traverser l’Atlantique, pour refaire tout le trajet que tu as fait. Tu te rends compte? Heureusement qu’il n’est pas parti. Je peux lui parler?
    Jan éclata d’un rire nerveux, plongeant une dague dans le ventre de Jerzy qui, du revers de la main, essuya les gouttelettes d’angoisse qui perlaient sur son visage.
    – Écoute-moi, Jan. Ni lui ni Stanislas n’ont pris le train pour Montréal.
    Une friture remplaça le ton soulagé de son frère, qu’il entendit chuchoter à Michelle que Nicolas avait probablement mis à exécution son projet ridicule.
    – Quand serait-il parti?
    – Probablement durant la nuit. Je vais rouler jusqu’à la frontière américaine. On ne sait jamais.
    Jerzy attendait toujours une grenade ou une bombe, mais Jan ne leva jamais le ton, probablement étranglé par la nouvelle. Il raccrocha après lui avoir demandé de le tenir au courant des développements et s’être enquis de l’arrivée de Stanislas, que, manifestement, il souhaitait imminente.
    Jerzy marcha de long en large, n’osant avouer qu’il ne cessait de penser à l’horreur qu’il avait certainement fait vivre jadis à ses parents. Jan devait avoir l’âme sans voix. Pire: l’âme en attente de la fin d’un cauchemar. Il regarda ses enfants, qui s’étaient tous les deux figés depuis qu’il avait raccroché, incrédules quant à ce qui leur arrivait. Cette situation était sans doute leur première véritable expérience d’impuissance, les multiples accrochages passés leur semblant probablement ridicules. Stanislas était encore plus attristé que sa sœur, si cela se pouvait, et ne cessait de se mordre férocement l’intérieur de la joue.
    – Où veux-tu être, Stanislas? Ici ou à Montréal?
    Stanislas sursauta et hocha la tête, ravalant péniblement la peur au goût extrêmement amer qu’il avait dans la bouche depuis le constat du départ de son cousin et qu’il ne savait comment cracher. Il voulait à la fois être avec sa famille, dont il avait pitié tant ils étaient tous défaits, et soutenir son oncle, qui ne comprenait certainement rien à cette défection de son fils.
    – Sophie sera ici, avec vous. Ma valise est prête, mais si cela te coûte trop cher, papa, je peux rester ici.
    Jerzy fut sensible à la réponse de son fils, alors que, trois ans plus tôt, il aurait tempêté de voir Stanislas lui préférer son frère. Mais il avait maintenant la certitude que si son fils choisissait d’être près de Jan,il avait quand même agi en Salomon, gardant un enfant Pawulski à Saint-Norbert et laissant le second accourir au secours de celui qui souffrait, à Montréal. Parce que c’était à Montréal qu’habitait aujourd’hui le plus fragile des deux frères Pawulscy et Stanislas l’avait compris. Comme l’avait fait Élisabeth près de vingt ans auparavant. Comme lui-même n’avait pu s’empêcher de le faire quelques mois plus tôt.
    Le navire fit escale dans le port de Montréal et Nicolas eut la permission d’en descendre. Comme son oncle l’avait fait à son arrivée au Canada, il avait réussi à trouver du travail à Toronto, dans le port. Il y avait tenu des dizaines d’emplois aussi ennuyants les uns que les autres, de plongeur à aide-cuistot, de débardeur à homme à tout faire sur les navires qu’on chargeait ou déchargeait. C’est ainsi qu’il avait appris à connaître l’intérieur d’un bateau. Il avait aussi appris l’existence d’endroits relativement confortables pour faire une traversée à l’insu de tout un équipage. À la fin du mois d’octobre, il avait décidé que le premier navire devant mettre le cap sur l’Europe aurait dans ses flancs un passager clandestin. Il s’était fait pousser les cheveux et portait un foulard autour de la tête, à la John Lennon. Cela le vieillissait et personne ne semblait vraiment intéressé à savoir qui il était. Il racontait occasionnellement des voyages inventés et les marins le croyaient, ses connaissances en géographie lui étant d’un grand secours. À l’ourlet de son pantalon, il vit qu’il avait grandi d’au moins sept centimètres depuis le mois de juin, ce qui lui plaisait aussi. Il se procura deux autres pantalons au dépôt de l’Armée du Salut,

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