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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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oùil dénicha aussi un manteau afghan presque neuf. Tous les jours, il voulait rassurer sa mère, mais il raccrochait toujours le récepteur, craignant les foudres de son père. De toute façon, il était certain que Stanislas était avec eux, ce qui devait les consoler. Il se demandait parfois si son père remarquait son absence.
    Il marcha dans les rues illuminées et vides de Montréal, songeant qu’il aurait été agréable de parler à quelques-uns de ses amis, ne fût-ce que pour leur décrire le goût de la liberté et les narguer quant au montant de leur argent de poche. Il lui arrivait parfois de regretter le collège français, mais il se consolait en se disant qu’il aurait amplement le temps de reprendre une ou deux années si le cœur lui en disait. Mais, ce soir, il avait le cœur à la barre du navire dont le capitaine allait croire qu’il n’était pas rentré alors qu’il allait être confortablement installé pour la traversée avec des provisions d’eau et de boîtes de conserve: ragoût, soupe, fèves au lard, haricots, tomates, poulet désossé, pâtés
Klik
et
Kam
. Il ignorait que son père avait été forcé de se nourrir au
Klik
et au
Kam
lors de son arrivée au pays.
    Il marcha jusqu’à la propriété de ses parents, eut une terrible envie d’entrer pour les embrasser avant que ne commence son périple, mais la maison, comme la ville, était endormie. Il marcha ensuite devant la maison d’Élisabeth et de Nathaniel, aperçut la lueur de la veilleuse du couloir et s’imagina que Nathaniel était assis dans l’obscurité à écouter de la musique.
    La nuit était noire et seules les lumières des ponts se reflétaient dans la mer, la lune ayant disparu. Le navire dans lequel Nicolas était assis, seul et nauséeux, montait les vagues comme un écuyer montant un cheval ayantle mors aux dents. Il heurtait d’occasionnels morceaux de glace qui faisaient résonner la coque, produisant un assourdissant son de gong. La mer houleuse avait remplacé le roulis du fleuve et Nicolas ne put s’empêcher, chaque fois que la glace heurtait la coque, de penser au
Titanic
. Il avait appris l’itinéraire et la durée de tout le trajet et savait qu’ils avaient pénétré dans le golfe. Il calmait sa frayeur en se consolant avec le fait qu’il était le seul à être témoin de sa peur, de ses vomissements et du découragement passager qui pâlissait ses rêves. Le troisième jour de la traversée, les moteurs stoppèrent et il entendit des pas de course, des cris et des jurons. La mer ne s’était toujours pas calmée et le navire, privé de son hélice, semblait tanguer et rouler dangereusement. Nicolas pleura comme l’enfant qu’il avait vu à la Ronde, paniqué sur un siège des montagnes russes. Il pleura aussi du chagrin qu’aurait sa mère s’il mourait noyé dans un naufrage, anonyme nourriture pour les requins. Puis les cris changèrent de registre et les moteurs furent remis en marche. Il soupira de soulagement et trouva que la coquille sans moteurs sur laquelle il croyait devoir affronter la tempête n’était plus qu’un berceau. Il s’endormit en rêvant qu’il était le moussaillon qui criait «Terre!» au capitaine Cook.

34
    Élisabeth était assise dans la salle d’attente, changeant de position, sans arrêt, n’ayant du confort qu’un vague souvenir. Son ventre ressemblait à une pleine lune et il était encore plus beau qu’elle ne l’avait rêvé durant ces années où le regret l’avait presque toujours accompagnée. Le bébé dont elle avait entendu battre le cœur dans le stéthoscope du médecin avait presque cessé de bouger, accumulant d’ultimes réserves avant de plonger dans la vie. Elle appuyait ses mains sur son ventre, prête à le bercer, déjà follement amoureuse de cet être non encore né qui prenait lentement la place de ses peurs, de ses craintes et de ses déceptions. Elle avait tenté de bâillonner sa peur de l’accouchement; elle conservait le souvenir d’un profond gémissement poussé par sa mère à la naissance d’Adam, auquel elle avait longtemps refusé de penser mais qu’elle avait appris à implorer pour qu’il veille sur ce bébé Pawulski. Le médecin ne lui ayant pas caché qu’elle était très âgée pour une primipare, elle s’inquiétait pour le bébé, mais elle savait qu’avec l’amour dont Nathaniel l’enrobait elle parviendrait enfin à conjurer tous les mauvais sorts. Elle avait demandé à ne pas être

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