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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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jamais t’oublier, Denis. Mais si tu me demandes si j’ai cessé de t’aimer, la réponse est oui. Je t’avais dit que je ne saurais être la maîtresse d’un père…
    Alors, il lui raconta que son fils était parfait, extrêmement parfait, trop parfait. Qu’il parlait et savait deux récitations. Qu’il dessinait bien aussi.
    – Et il n’a pas tout à fait trois ans.
    – Tu dois être fier, Denis. C’est la plus belle chose que la vie pouvait t’offrir.
    – Peut-être, mais ma chère femme le façonne un peu trop à son image et à sa ressemblance.
    Faisant des efforts louables pour sécher ses larmes, Denis la regarda encore longuement avant d’ajouter qu’il enviait du plus profond de son être l’hommequ’elle aimait et avait épousé. Il lui avoua avoir volontairement offert ses services pour remplacer son collègue, sachant qu’elle n’avait pas encore accouché.
    – Je t’aimerai toujours, Élisabeth. Et j’ai tout perdu le jour où nous nous sommes quittés.
    Elle ne savait que répondre, convaincue qu’il n’avait rien perdu puisque son enfant grandissait très bien. Lui avait-il dit qu’il ne l’aimait pas autant qu’il le lui avait laissé entendre?
    – Mais ton enfant, Denis…
    – Mon enfant n’est pas de toi, Élisabeth.
    Un silence visible et embué emplit la pièce. Elle ne savait que lui répondre, ayant, plusieurs années plus tôt, fait le deuil d’une maternité qu’elle aurait partagée avec lui. Denis devina sa gêne et poursuivit, d’une voix qu’il cherchait à alléger:
    – Heureusement que je l’ai pour m’accrocher à la grisaille de ma vie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai repris l’obstétrique. J’en suis venu à me faire une raison en me disant qu’il était impossible que le chagrin aille de pair avec l’arrivée de tous les bébés. Je sais maintenant que l’odeur et les sons de la naissance me manquaient terriblement.
    Élisabeth entendait tout ce qu’il lui disait, mais ses propos devenaient flous, rejoignant rapidement ce temps de vie qui appartenait au passé. Elle se souvenait d’avoir espéré énormément entendre ce qu’il lui disait, mais tout disparaissait dans la lave qui refroidissait aussi rapidement que s’éteignait la douleur.
    – Élisabeth…
    Elle le regarda de nouveau, étonnée de constater qu’il n’avait pas bougé.
    – Me permets-tu de te demander une faveur?
    Elle craignit qu’il veuille faire l’amour malgré son ventre rempli, ou qu’il la supplie de le revoir, ce qui l’aurait troublée.
    – À l’accouchement, est-ce que je pourrai tenir le bébé quelques secondes avant de couper le cordon qui le reliera à toi? Avant même de le remettre dans les bras de son père? Le temps que je crée le fugace phantasme qu’il est de moi. Quelques secondes…
    Élisabeth douta que Denis eût toute sa tête. Elle tendit une main et lui toucha le front afin de s’assurer qu’il n’était pas fiévreux. Il baissa les yeux et sourit, enfin presque consolé.
    – Ton mari ne verra rien, Élisabeth.
    – Mon mari saura, Denis.
    – Tout?
    – Il saura que tu es Denis.
    Nathaniel embrassa doucement Élisabeth sur les paupières, lui disant qu’il leur fallait partir. Elle ouvrit les yeux et poussa un petit cri de surprise en sentant l’eau qui inondait le lit. Elle se leva lentement et demanda à Nathaniel de mettre la musique qu’ils avaient choisie. Pendant qu’il téléphonait chez Jan puis à l’hôpital, elle se lava et s’habilla au son d’une sonate, prenant tout son temps afin de savourer chaque seconde de ce jour qui serait le plus beau de sa vie, le plus grand pour Nathaniel, le jour béni pour les deux.
    L’aube du 13 janvier ne se devinait pas encore lorsqu’ils sortirent de la maison, marchant avec joie vers la voiture réchauffée de Jan, affrontant une neige folle et coquine. Tel un chauffeur en livrée, Jan se tenait près de la portière et l’ouvrit pour son beau-frère et sa sœur,qu’il fit asseoir ensemble à l’arrière. Il s’empressa de se glisser derrière le volant et la voiture démarra en dérapant légèrement, ce qui inquiéta davantage le chauffeur que les passagers.
    Élisabeth pria le personnel de la laisser le plus longtemps possible dans sa chambre, afin de permettre à Jan d’être avec eux s’il le désirait. Il demeura assis près d’une fenêtre, ne voulant pas s’immiscer dans leur intimité la plus exclusive. Élisabeth lui souriait de

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