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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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langue collée sur le devant des incisives, et ne sut que faire. Elle comprit qu’il était absolument furieux et choisit de retourner dans la salle pour avertir les enfants que l’éclair allait frapper. Elle ignorait que Jerzy avait encore une fois entendu le déchaînement des applaudissements et la demande de rappel.
    Anna rentra derrière Stanislas et Sophie qui grimaçait, s’attendant à un esclandre. Mais Jerzy était couché sur le canapé du salon, un oreiller sous sa tête et un drap de finette étendu sur lui. Une bouteille de bière vide était posée sur la table. Il tournait le dos à l’entrée et ne réagit aucunement à leur arrivée. Anna s’approcha de lui et remarqua qu’il avait les yeux clos. Elle avait la certitude qu’il ne dormait pas, mais elle feignit de croire à son jeu et ne le dérangea pas. Elle chuchota aux enfants de monter doucement, ce qu’ils firent après avoir enlevé leurs chaussures. Elle les imita et se dévêtit dans le noir, trouvant le lit étrangement vide quoiqu’il dégageât l’odeur de Jerzy. Elle tentavainement de trouver le sommeil et passa la nuit à regarder l’heure, écoutant le piaillement des oiseaux à leur réveil et l’appel des chats qui choisissaient toujours mal leurs nuits de rut. Elle entendit Sophie aller aux toilettes à trois reprises et vit de la lumière sous la porte de Stanislas jusqu’à ce que le jour l’éclaire enfin suffisamment. Elle descendit sur la pointe des pieds et ne vit pas Jerzy. Elle s’affola quelques instants, mais un air de violon lui parvint du fond du champ pour la rassurer. Stanislas vint la rejoindre, en habit de travail. Il ne posa aucune question, sachant bien que toute la maisonnée avait joué aux hiboux. Il fit une petite moue silencieuse d’impuissance avant de se verser un immense verre de jus d’orange et de se faire des rôties. Sophie les rejoignit aussi, les yeux barbouillés de fatigue et de maquillage. Elle s’assit à table et déclara qu’elle avait vécu le moment le plus extraordinaire de sa vie. Le violon se tut au loin et ils entendirent rugir le moteur du tracteur. Stanislas sortit en vitesse et se dirigea vers le champ qu’ils devaient désherber. Il s’y était déjà agenouillé lorsque son père arriva. Il leva la tête et tenta de lui sourire, mais freina ses lèvres quand il aperçut ses yeux bouffis. S’il avait su que le spectacle de sa sœur allait le mettre en colère, il n’avait jamais songé qu’il puisse pleurer. Il fit taire ses pensées en tentant de se convaincre que son père avait les yeux lourds d’insomnie et non de chagrin.
    – J’ai décidé que vous resteriez ici cet été. Toi, Sophie, pour permettre à tes cheveux de repousser et réapprendre à être ma fille. Quant à toi, Stanislas, il est évident que la terre est trop grande pour un seulhomme. Il nous faut être deux. Je vais aussi demander à votre mère d’aviser Élisabeth que nous ne pourrons accueillir Nicolas.
    – Fais-le toi-même.
    Anna se leva sèchement de table et alla secouer les assiettes dans l’évier rempli d’eau savonneuse. C’était la première fois en trois jours que Jerzy desserrait les lèvres. Anna se sentait punie d’avoir été la mère de sa fille et même d’avoir aimé sa performance. Stanislas avala sa dernière bouchée d’omelette et sortit de table en annonçant poliment à son père qu’il n’accepterait jamais d’être puni sans raison.
    – Parce que être complice d’une sœur qui sort de je ne sais où, ce n’est rien? Parce que me mentir avec la bénédiction de ta mère, ce n’est rien? Parce que inciter ta sœur à prendre mon manteau Davy Crockett, ce n’est rien? Tu n’as pas un mot à dire, Stanislas.
    – Je suis d’accord, papa. Je n’ai pas un mot à dire. J’en ai beaucoup plus. Je pense que ce que tu fais n’est pas correct. Je n’ai pas à être puni parce que je trouve que ma sœur a le droit de chanter.
    – C’est vrai, papa. Stanislas n’a pas à être puni parce que j’aime chanter. Et puis le manteau Davy Crockett, c’est moi qui l’ai pris sans ta permission. Donne-moi une double punition si tu veux, mais laisse mon frère aller à Montréal.
    – J’ai dit non.
    – Et moi j’ai dit oui!
    Anna venait de se tourner et regardait son mari, l’œil igné de colère. Jerzy posa sa tasse de café, décontenancé par ce qu’il interprétait comme de la haine et du mépris. S’il leur était fréquemment arrivé

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