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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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gentil, tellement cultivé, tellement simple. Il m’a souri, à moi. Il fallait que je te le dise, parce que, je te jure, je n’en dors plus depuis trois jours.
    – Deux ou trois?
    – Deux ou trois quoi?
    – Jours.
    – Ah! Disons deux et demi. Quel homme!
    – Tu parles de qui, au fait?
    – Ben, M. Wilfrid Pelletier, voyons! Le président d’honneur du concours.
    – Ah!
    – Je l’ai rencontré à la réception après le concert d’inauguration. Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas attendue?
    – Parce que j’ai eu un empêchement.
    – Mais tu l’aurais vu me parler.
    – Je le regrette. Si j’avais su…
    – Deux, on a fait le tirage au sort et mon nom est sorti le dernier.
    – C’est bon, ça, Florence.
    – Mais non! Les gens vont avoir entendu tellement de bons violonistes qu’ils vont commencer à sortir discrètement dès que je vais monter sur la scène.
    – Je dirais que non. Connaissant les spectateurs comme je les connais, je penserais qu’ils vont être ravis de voir une petite robe fleurie et des ballerines.
    – Tu me parles de mode alors que je participe à un concours de violon?
    – Oui. Ensuite?
    – Trois, la rumeur veut que la pièce imposée soit d’André Prévost. J’espère avoir le temps de la mémoriser.
    – Je n’en ai jamais douté. Mais pour quelle raison es-tu venue?
    Florence troqua son air moqueur contre un air sérieux. Élisabeth eut peur tout à coup.
    – Quatre, ma grand-mère n’est vraiment pas bien, Élisabeth. Elle ne pourra pas venir. Tu vas être ma seule famille…
    Élisabeth lui ouvrit les bras et Florence s’y réfugia, lui humant le cou. Elle ne broncha pas pendant de longues minutes, puis elle défit son étreinte tout doucement avant de se diriger vers la porte.
    – Cinq, heureusement que ta mère avait du talent pour les langues, parce qu’il y a des violons qui parlent allemand, hongrois, anglais, autrichien, bulgare, espagnol, hébreu, roumain, tchèque…
    Élisabeth, touchée et amusée, la poussait discrètement vers la porte, faisant mine de vouloir s’en débarrasser à tout prix, mais soulagée de la voir emballée par le concours. Ses craintes s’étaient évanouies au fil des jours de répétitions avec l’accompagnateur attitré du concours. Elle avait rencontré quelques autres participants, sauf ceux qui n’avaient pas voulu de l’accompagnateur, ayant préféré traîner le leur dans leurs bagages. Florence, le pied sur le seuil, embrassa Élisabeth et descendit l’escalier en sautillant.
    Élisabeth allait rentrer dans la chambre lorsqu’elle entendit la sonnette. Elle revint et ouvrit sur une Florence qui lui parla d’une voix de cancre, avec son air de potache cherchant les réponses au plafond.
    – Le russe…, l’italien…, le japonais…
    – Florence… Je pense que je vais être forcée de t’attacher…
    – Non, non, je t’en prie…
    Elle recula dans l’escalier, arborant un air faussement terrorisé. Puis elle se radoucit et regarda Élisabeth en souriant avec cette sorte de tendresse que seule une femme peut comprendre.
    – Six, tu sens Denis.
    – Je sens Denis?
    Florence se toucha le cou, sous les oreilles, descendant les mains jusqu’à sa poitrine. Elle lui fit un clin d’œil et partit.
    Souriante et émue, Élisabeth ferma doucement la porte et alla retrouver Denis, l’air radieux.

22
    Une bruine vaporisée par un ciel gris-blanc estompait les teintes du matin tel un tulle sur un pastel. Élisabeth alla chercher Florence qui l’attendait sagement devant chez elle, assise sur une valise de cuir jaune recouverte d’une housse de coutil brun retenue par des boutons-pression rouillés. Elle eut le cœur fouetté en voyant Florence serrer le violon de Zofia comme elle aurait tenu un enfant entrant au pensionnat. Avec courage et sanglots étouffés. La sensibilité de Florence s’exacerbait avec les années, ayant atteint une fragilité extrême depuis le début de ce concours qu’elle-même avait d’abord perçu comme une occasion unique, mais pour lequel Florence nourrissait une telle appréhension qu’elle en était venue à se demander s’il n’eût pas été préférable qu’elle déclare forfait et se contente de son rôle de premier violon des Archets de Montréal. Mais elle s’était tue. Le talent de Florence était si grand que le moment était venu de la pousser hors du nid, même si elle redoutait le jour où elle cesserait d’être son professeur et où elle

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